Deux jours. Deux jours que Petite Perdrix faisait parti du clan de l'Ombre. Elle s'en souvenait parfaitement bien.
Elle était arrivée par cette pinède, le matin, épuisée. Elle avait mangé quelques baies, ne sachant pas chasser, et s'est abreuvée dans une flaque. Elle ne connaissait rien de ce territoire. Les odeurs étaient nouvelles. Une effluve avait été présente dans toute la pinède: forte, particulière, et quelque peu nauséabonde. C'était surement celle des chats du clan de l'Ombre. Perdrix s'était étalée sous un arbre et avait fait une sieste, ne se souciant pas des serpents ou quelques autres dangers de la forêt.
Heureusement, elle s'était réveillée, une heure après, bien vivante et en pleine forme. Après s'être étirée, elle avait poursuivi la fin de son périple en suivant l'odeur des chats du Clan de l'Ombre. La source devait surement la conduire au camp. Se traînant sous un soleil brûlant, elle se demanda comment elle allait être accueillie. Allait-on la chasser car elle vivait il y a quelques jours encore dans un champs de bipèdes? La tuer, la traiter comme une esclave? Perdrix n'en savait rien, elle ne connaissait rien à leur hiérarchie. Elle espérait qu'en évoquant le nom de son père, on la reconnaîtrait peut être... En espérant que ce dernier avait parlé à son clan de sa portée qu'il avait eu avec une chatte qui habitait loin d'ici.
Quelques heures plus tard, Perdrix était arrivée au camp du clan de l'Ombre. Les rayons du soleil s'étaient un peu calmés et une petite brise commençait à faire danser les brins d'herbes et les feuilles. On aurait pu dire que c'était le moment idéal, mais ça ne l'était pas tout à fait.
Oui car, plusieurs chats agressifs lui crachaient au visage. Perdrix avançait la queue entre les pattes et une odeur de peur se dégageait de son corps. Lorsqu'elle parvint à une longueur de queue d'Etoile Fauve, elle s'assit et se présenta. Le regard impassible de la dominante semblait vouloir dire "Pourquoi je t'accepterai dans mon clan?".
Finalement, la femelle la laissa entrer dans sa tanière et Perdrix lui raconta son histoire. A la fin de son récit, elle posa une question à Etoile Fauve:
"Où est mon père?"
Après un soupir las, le chef du clan de l'Ombre lui répondit, les yeux rivés sur le sol:
"Ton père... Il voulait allait te rendre visite, à toi et tes frères et sœurs. C'était il y a plusieurs semaines de cela. Un guerrier était chargé de l'accompagner jusqu'à la ville des bipèdes. Quand ce guerrier revint, quelques heures plus tard, seul, on savait déjà ce qui était arrivé.
-Pa... Papa est... mort?
-Un monstre est arrivé à toute vitesse et l'a écrasé. Il est reparti sans demander son reste.
-...
-Ton père était un incroyable guerrier, il avait bien mérité son poste de lieutenant même si ce rang était déjà occupé. Aujourd'hui encore, certains guerriers pleurent sa mort."
Le soir même, Etoile Fauve donna à Perdrix un nouveau nom: Petite Perdrix.
Maintenant, revenons à la réalité. De tout de suite, maintenant.
Que faisait Petite Perdrix, seule, cette nuit? Elle voulait prendre l'air tout simplement. C'était le seul lieu qu'elle connaissait un peu. Cette pinède était agréable et quelques odeurs de rongeurs et autres proies appétissantes venaient titiller ses petites narines. Son dernier repas devait remonter à ce midi. Mais Petite Perdrix était habituée à manger peu, et ça ne la dérangeait guère.
Pas bien prudente, la chatonne traversait la pinède sans se douter qu'il pourrait y avoir quelqu'un. Ses sens n'étaient pas très développés, et elle n'y connaissait pas grand chose à la vie de chat sauvage. Les pièges à éviter et tout ce qui s'ensuit... Aucune idée de tout cela. C'est alors que la chatte tigrée entendit à quelques dizaines de mètres d'ici, un grognement de mépris. Elle trotta, ventre à terre, jusqu'à un buisson et aperçu deux magnifiques yeux bleus dans la pénombre. Petite Perdrix n'y voyait pas grand chose mais réussit à discerner une chatte.
Lorsqu'elle reconnut l'odeur du clan de l'Ombre, elle se sentit en sécurité. Sans réfléchir, la chatte bicolore contourna son buisson et avança vers la guerrière, ne se doutant pas qu'il était peut être interdit pour un petit inexpérimenté de se balader seule dans la nuit.