« Zéphyr ?

Epines est seul avec Zéphyr. Ils chassent, côte à côte, bondissant d’un même élan par-dessus troncs et buissons. Un tourbillon de feuilles s’élèvent alors qu’ils sautent sur leurs proies. Ils ont déjà enterrés énormément de gibier. Il sent un lapin, l’animal est nerveux. Pas Epines. Il s’aplatit au sol, face contre le vent, puis bondit sur le rongeur. Le lapin détale, effrayé, mais Epines le bloque rapidement. Il l’achève vivement d’un coup de dent, et le ramène devant Zéphyr qui l’applaudis joyeusement. Il veut lui parler de son amour pour elle. Il ouvre la bouche, murmure :

« Hé, la minus, t’as pas besoin d’autant de place, vires d’ici ! »

« Alors morveuse, tu réponds pas ?
- Normal, c’qu’une bâtarde, on sait pas d’où elle viens !
- Ta gueule. »

« Hé, pauvre tarlouze, si tu laissais galamment ta place à la demoiselle avant de perdre quelque chose de très précieux si tu vise une progéniture ? Quoi que, galamment, je suis pas sûr que t’y arrives. »

« Joli ! Tu te débrouilles vraiment bien, ma grand-mère a l’air d’être un bon mentor, mais tu es douée, moi j'arriverai pas à la supporter. »

C’est toujours quand on dort tranquillement qu’on vient vous emmerder, évidemment. Roulée en boule dans un coin de la grotte, la petite chatte se tapait un magistral roupillon, après une dure journée d’entraînement avec son mentor, Etoile Sanglante. Le matin se levait, et elle dormait paisiblement, absorbée par un rêve mirifique et magnifique dans lequel Feuille Noire la guidait jusqu’à ses deux parents, morts à présent. Ses deux parents, qui étaient frère et sœur. Sa mère devenait sa tante et son père devenait son oncle. Pas étonnant qu’elle ait été renvoyée de là où elle vivait avant qu’ils ne meurent pour défendre les leurs des chiens. L’espèce féline est une saloperie. Alors même que ses parents éraient morts pour défendre les autres, ils viraient hors de chez eux la fille de leurs sauveurs. Enfoirés. Son rêve magnifique allait se concrétiser quand un chat lui rentra dedans, lui faisant brusquement ouvrir les yeux, la tirant de son rêve. C’était un novice gris qui la regardait avec effronterie. Connard ... Elle se retourna avec un soupir pour se rendormir quand elle reçut un autre coup de patte, venant d’un chat écaille. Elle se retourna automatiquement, bondissant sur ses petites pattes.

« C’est quoi votre problème, bâtards dégénérés ? »
« Sans blague, et c’est nous qu’elle traite de bâtards en plus ? »
« Arf, je préfère être une bâtarde qu’avoir ta gueule. Ta mère a confondu ton père avec un tas de merde ? »

Exactement ce qu’il ne fallait pas dire. Se mettant brusquement à gronder, le chat gris se leva pour défendre l’honneur de sa mère. Ah, zut, elle avait des ennuis. Elle qui dormait tranquillement, il fallait que deux andouilles en manque de sensations fortes la harcèlent à cause de ses origines et de sa petite taille. Elle jeta un coup d’œil à Nuage d’Epines, son ami, qui dormait profondément, épuisé par son expédition de chasse. A voir ses pattes bouger, il s’y croyait encore. Aucun secours à attendre de ce côté-là, en somme. Se mettant en position de combat, la petitoune se mit à feuler, menaçante, ne réussissant qu’à faire rire les deux andouilles. Bon, plan B. Elle s’effaça brusquement et sauta sur le gris, le plaquant et lui bouffant violemment l’oreille. Il miaula de rage et de douleur, un de ses compères sauta sur la petite chatte pour l’envoyer d’un habile coup de patte dans un coin. Elle se releva, ses pupilles vertes luisantes de rage. Feulant d’un air mauvais, crachant quelquefois, elle surveillait la progression des deux chatons. Elle-même se mit à tourner ... Et se vautra avec grâce sur un chaton noir et blanc.

« Hé la minus, t’as pas besoin d’autant de place, vire d’ici ! »

Nom de Dieu. Alors lui aussi ? Elle se retourna en feulant, lui envoyant un coup de pattes rageur qui manqua sa cible, et fut à nouveau collée au fond de la grotte, harcelée par des coups de griffes. Eh, je dormais moi, bordel de merde ! L’un d’eux s’approcha trop près et faillit se faire crever l’œil, dès lors ils la serrèrent de près, la surveillant, envoyant des coups de pattes. Approchez, bandes de lâches, vous allez prendre cher de ma petite beau de bâtarde, vous allez voir. Zéphyr crachait et feulait, tenant les chatons à distance. Mais à l’autre bout de la grotte, Nuage d’Epines s’était réveillé.

« Alors morveuse, tu réponds pas ? »
« Normal, c’est qu’une bâtarde, on sait pas d’où elle vient ! »
« Ta gueule. »

Brusquement, les trois chats s’immobilisèrent, et se retournèrent tout doucement, d’une lenteur quasi terrifiante, pour se retrouver face à Nuage d’Epines, qui les dépassait une bonne tête. Arriver à l’épaule des gens, c’est chiant hein ? Ah, je t’avais pas dit qu’Epines, c’était mon meilleur pote ? Mince, désolée. En fait non, pas désolée. Ils feulèrent, crachèrent et se hérissèrent pour paraître plus grands qu’ils ne l’étaient, sentant par avance qu’ils étaient foutus. Nuage d’Epine, terreur de la pouponnière, maintenant terreur de la tanière, et bientôt terreur des Clans. Comment vaincre un chat de ce gabarit ? Le grand chat tigré se jeta d’ailleurs sur le premier, bicolore, le plaquant au sol pour lui susurrer des choses traumatisantes qu’elle n’entendit pas puisqu’elle était trop loin. Quand Epine lâcha le chat, les deux autres lui tombèrent dessus, profitant de leur nombre pour le plaquer contre un mur et faire la même technique qu’avec elle. Sauf qu’ils avaient oublié leur ancien punching-ball, la petite bâtarde, qui s’était discrètement esquivée pour faire le tour de la grotte ... Et sauter sur le dos du chaton gris pour lui bouffer l’autre oreille. Il réussit à la mettre sur le dos pour lui labourer les flancs, mais la petite fit plus rapide, griffant le ventre tendre du petit gris de ses griffes acérées. Il hurla de douleur, la petite rousse en profita donc, très sadique, pour planter sa patte griffue dans la gorge offerte du matou qui se tut brusquement dans un gargouillement sinistre. Elle le lâcha et le regarda partir ventre à terre vers la tanière de sa mère adoptive, Feuille Noire la guérisseuse. Ah, ils allaient prendre cher le savon quand elle apprendrait qu’ils avaient osé emmerder sa fille et son petit-neveu.

« AH ! Pbllll ! Ahah ! »

Elle venait, très gaminement, de tirer la langue aux chats qui lui avaient pourri son sommeil du matin. Mais bon, quel amusement quand même ! Même si elle était un peu crevée à cause de la journée d’hier, elle était morte de rire d’avoir mis une raclée monstre à ces trois emmerdeurs, surtout le chat gris qui lui pourrissait l’existence depuis longtemps. Peut-être qu’avec un coup de patte dans la gueule et les flancs lacérés, il lui foutrait dorénavant la paix ... Et les autres aussi, puisqu’elle avait été défendue par le non moins célèbre Nuage d’Epines !

« Merci beaucoup, Epines ! Tu te débrouilles bien toi aussi, les cours ont porté leurs fruits ! Finalement elle n’est pas si mesquine que ça ta grand-mère, ou alors Feuille l’a remontée pour qu’elle ne me fasse pas trop de mal ... En tout cas, les entraînements, c’est intensif, je reviens lessivée ! A ce propos, Nuage d’Epines ... »

La petite chatte s’approcha du grand en deux bonds et profita du troisième bond pour coller un coup de langue sur la truffe de son ami. Bah oui, c’est qu’elle est minuscule vous savez, pour toucher sa truffe, il lui faut de l’élan ! Elle lui fit un joli sourire, la tête penchée, dans une attitude gracieusement charmeuse qu’elle avait récupéré en observant Nuage d’Ivoire, la sœur d’Epines, et également son modèle mal caché.

« Je te remercie de m’avoir aidé à faire fuir des novices, j’y serais pas arrivée toute seule, tu sais. »

« C’est rien.. Avec Ivoire, au début, on se faisait emmerder, à la Pouponnière, quand tu n’étais pas encore là. Alors Ivoire a commencé à les rembarrer joliment, et quand ils continuaient, je finissais par leur sauter dessus. Heureusement qu’on est sous la protection d’Etoile Sanglante.. et peut-être de Feuille Noire ? En tout cas, je l’imagines bien leur donner des herbes laxatives en plus de graines de pavots.. »

« Je te promets qu’ils ne t’emmerderons plus jamais. Ils te laisseront même leur place dans la Tanière, si tu veux.

Le petit bicolore avait l’air terrifié, t’as vu ? »

« Désolé.. »

« Je profite, j’suis méchant. »

« Dis, on devrais s’entraîner plus souvent ensembles, tu ne crois pas ? Si tu veux, je demanderai à ma grand-mère de nous prendre tous les trois, de temps en temps. Surtout que mon père s’occupe pas beaucoup de moi.. Et comme ça, elle nous jaugerai plus facilement, vu qu’elle est la meneuse, pour les examens, on serait nommés guerrier plus rapidement ! D’ailleurs, toi ,comment tu aimerais t’appeler ? »

La petite chatte rousse se marrait bien en tout cas. Enfin maintenant, la tanière était vide, les autres chats ayant décidé d’aller voir ailleurs quand Nuage d’Epines avait volé au secours de la petite bâtarde, la plaçant immédiatement sous sa protection. Or, dès lors qu’elle était sous la protection de Nuage d’Epines, elle devenait intouchable, en quelque sorte, car personne ne tenait à se prendre le grand chaton en pleine tête. Bref, la nouvelle protégée du petit-fils d’Etoile Sanglante semblait très heureuse de la situation, ne remarquant même pas que les rares autres apprentis de la tanière – trois autres en fait – se levaient pour aller dormir dehors, pour profiter du grand air et du soleil, ne souhaitant pas devenir le nouveau ‘joujou du jour’ du grand chaton et de la petite teigneuse. En deux bonds, la chatte s’était approchée du chat, et elle profita du troisième pour lui faire une lèche amicale sur la joue en le remerciant avec chaleur. Elle remarqua avec étonnement que son ami rougissait, ce dont elle ne se formalisa pas avec la réponse suivante. C’est vrai qu’avec Nuage d’Ivoire, on se fait rembarrer, pas remercier ... Ca avait du l’épater grandement qu’elle le remercie alors.

« C’est rien.. Avec Ivoire, au début, on se faisait emmerder, à la Pouponnière, quand tu n’étais pas encore là. Alors Ivoire a commencé à les rembarrer joliment, et quand ils continuaient, je finissais par leur sauter dessus. Heureusement qu’on est sous la protection d’Etoile Sanglante.. et peut-être de Feuille Noire ? En tout cas, je l’imagines bien leur donner des herbes laxatives en plus de graines de pavots.. »

« Ce serait tout à fait son genre, figure toi ! Si elle apprenait qu’ils ont porté la main sur sa protégée et son petit-neveu, elle ne va pas se contenter des laxatifs, elle va également leur coller une bonne maladie bien cradingue et les enguirlander au passage ! Ooooowh, j’ai hâte de voir ça, pas toi ?! Et, franchement Epines, vu ton gabarit, je pense que tu n’as pas besoin de la protection de quiconque pour survivre. T’as vu la baffe que tu leur as tournée ? C’était magistral ! J’adorerais être forte comme toi ! »

Et patati et patata, toute la journée ça n’arrête pas x). Cendrillon ! Bravo, tu gagnes la croquette d’or ! Bref. Elle allait ajouter une autre chose quand il se pencha vers elle pour lui faire une léchouille sur la joue. Oah, au début elle avait eu sacrément peur quand il se penchait. Attendez, un gros plan sur les crocs de Nuage d’Epines, quand on est petit comme un puceron au pays des fourmis, ça a de quoi traumatiser à vie. Sauf quand on est sous sa protection et que c’est pour un geste aussi mignon que ça, qui la fit à la fois sourire et rougir. Heureusement pour elle, ce dernier ne se vit qu’à peine, la chatte ayant la chance d’être rousse pâle.

« Je te promets qu’ils ne t’emmerderons plus jamais. Ils te laisseront même leur place dans la Tanière, si tu veux. Le petit bicolore avait l’air terrifié, t’as vu ? »

« M’en fous de leur place, j’ai la mienne collée à toi ! S’ils pouvaient arrêter de m’embêter, et les autres avec, ce serait cool en fait. Mais bon, j’imagine qu’on n’arrête jamais d’emmerder une bâtarde. Quels cons. J’ai préféré la tête du gris ! T’as vu comment je lui ai défoncé la tête ?! Je lui ai lacéré les flancs et je lui ai détruit le gosier avec une patte ! Il est parti ventre à terre, ce lâche ! »

Et brusquement, la petite chatte se rendit compte que Nuage d’Epines ... Ronronnait béatement, la truffe collée à sa joue. Il se recula prestement en s’excusant, ses joues s’empourprant d’un joli rouge, rapidement imitée par Zéphyr qui se sentit brusquement toute stupide. Le grand chat regarda entre ses pattes, qui grattaient le sol, la petite chatte préféra tourner son regard vers l’extérieur pour ne pas montrer qu’elle rougissait à vue d’œil. Tout à l’heure avec sa léchouille, qu’il lui avait rendue, et maintenant avec ça, elle comprenait ce qu’elle aurait préféré ignorer. Nuage d’Epines en pinçait pour elle, et ce depuis que Feuille Noire l’avait déposée à la pouponnière du camp, demandant à Pavot Blanc, une reine ayant perdu ses enfants, de s’occuper d’elle. Voilà pourquoi il ne l’avait pas rembarrée quand elle était intervenue dans la pouponnière, quand ce crétin de Patte des Bois avait réveillé tout le monde avec ses gamineries. Voilà pourquoi il la regardait comme ça, pourquoi il se sentait si gauche et si balourd à côté d’elle, et qu’il ne répondait pas à ses rembarrages amicaux. Il était amoureux d’elle, amoureux fou peut-être, ce qui expliquait qu’il ait pris sa défense. Et bien malgré elle, la petite chatte devait avouer qu’elle en pinçait pas mal pour son ami, elle aussi. Après tout, il était grand, beau, fort, puissant. Comme un bon nombre de novices femelles, elle le trouvait irrésistible, mais seule elle avait pu devenir son amie, grâce à son franc-parler dévastateur qui contrastait avec sa taille de puceron. Elle releva une oreille quand il se remit à parler, refusant toutefois de se retourner vers lui pour ne pas rougir à nouveau.

« Dis, on devrait s’entraîner plus souvent ensembles, tu ne crois pas ? Si tu veux, je demanderais à ma grand-mère de nous prendre tous les trois, de temps en temps. Surtout que mon père s’occupe pas beaucoup de moi.. Et comme ça, elle nous jaugerait plus facilement, vu qu’elle est la meneuse, pour les examens, on serait nommés guerrier plus rapidement ! D’ailleurs, toi, comment tu aimerais t’appeler ? »

« Murmure du Zéphyr ... Je trouve ça joli et adapté. Je suis petite, et on ne me voit pas arriver. Le murmure aussi, on ne le sent pas arriver, mais quand il est là, il devient une tempête et une explosion. Comme moi, je pense. Et toi, comment ? Reflet d’Epines ? Ou quelque chose dans le genre ? Ca irait bien avec ton beau pelage ... »

Et tes beaux yeux. Elle rougit à nouveau et tourna la tête vers Nuage d’Ivoire, plongée dans de beaux rêves. Eh merde tiens, c’est pour ça que tu me hais ? Parce que ton frère m’aime et que tu le sais ? Brusquement, la jolie petite chatte se leva pour se diriger avec souplesse vers son ami, fauchant une de ses pattes et le renversant sur le dos en se dressant sur ses pattes arrières et en le poussant avec ses pattes avants. Elle se retrouva sur lui, sachant pertinemment qu’il aurait pu l’envoyer bouler et qu’il l’avait laissée faire. Elle posa ses deux pattes avant sur les épaules du mâle, et approcha sa petite truffe brune de celle, noire, du chat. Toute once d’amusement était évaporée, elle était sérieuse, très sérieuse, maintenant. Elle était tellement proche qu’elle – ou lui ? – aurait pu lui coller un coup de langue en la tendant de quelques millimètres. Mais elle préféra lui parler, tout simplement, ses yeux mordorés plantés dans ceux, verts pâles, de son camarade.

« Dis-moi, Nuage d’Epines ... Est-ce que tu m’aimes ? »

« Murmure du Zéphyr ... Je trouve ça joli et adapté. Je suis petite, et on ne me voit pas arriver. Le murmure aussi, on ne le sent pas arriver, mais quand il est là, il devient une tempête et une explosion. Comme moi, je pense. Et toi, comment ? Reflet d’Epines ? Ou quelque chose dans le genre ? Ca irait bien avec ton beau pelage ... »

ZBOUM BLAM PADAM.

« Dis-moi, Nuage d’Epines ... Est-ce que tu m’aimes ? »

« Tu veux dire, plus que j’aime Nuage d’Ivoire ? »

« Oui. Oui, Nuage de Zéphyr, je t’aime, plus encore que je n’aime ma sœur. Oui, je t’aime, c’est tout. »

« Je t’aime parce que tu es parfaite et différente des autres. Les autres chattes se barrent devant moi, mais toi, tu dors collée contre moi. Elles chuchotent en me regardant, m’observe, me font des sourires en battant des cils, alors que toi, tu me vannes, tu m’envoies chier et tu me fous sur le dos pour me demander si je t’aime. Si Etoile Sanglante passait par là, elle aurait toutes les raisons du monde d’être fière de toi, parce que tu m’arrives à l’épaule. Je t’aime, c’est tout. »

« Et toi, Zéphyr ? »

Elle était sur lui. C’était officiellement elle qui menait le jeu, même s’il pouvait fort bien l’envoyer paître contre le mur de la grotte, ce qu’il ne ferait pas. Elle vit Epines rougir à nouveau – bah décidément hein – mais décida de faire comme si elle n’avait rien vu. On est dans une discussion sérieuse, alors reprends-toi, je te prie. Elle le fixait, ses yeux noisette dans les yeux verts du grand mâle, attendant une réponse franche et satisfaisante.

« Tu veux dire, plus que j’aime Nuage d’Ivoire ? »

Ceci, par exemple, n’était pas une réponse franche et satisfaisante. Le chat baissa les yeux et se tortilla pour sortir de son emprise, la faisant bouger désagréablement. Elle se campa fermement sur ses petites pattes agiles, fixant le cou du chat avec détermination. Ne pas tomber. Ne pas t’écraser lamentablement sur lui. Ce qui devenait considérablement difficile, du fait qu’il se tortillait comme un serpent et qu’elle était légère comme tout. Il s’arrêta brusquement, ce qui faillit la surprendre et la faire tomber. Elle replanta son beau regard dans celui du chat, cumulant toute son attention sur le fait de ne pas s’écraser comme une – très légère – masse sur le chaton en-dessous d’elle.

« Oui. Oui, Nuage de Zéphyr, je t’aime, plus encore que je n’aime ma sœur. Oui, je t’aime, c’est tout. Je t’aime parce que tu es parfaite et différente des autres. Les autres chattes se barrent devant moi, mais toi, tu dors collée contre moi. Elles chuchotent en me regardant, m’observe, me font des sourires en battant des cils, alors que toi, tu me vannes, tu m’envoies chier et tu me fous sur le dos pour me demander si je t’aime. Si Etoile Sanglante passait par là, elle aurait toutes les raisons du monde d’être fière de toi, parce que tu m’arrives à l’épaule. Je t’aime, c’est tout. »

Et brusquement, elle cessa de s’intéresser à son équilibre, totalement absorbée par ce qu’il lui racontait. Han, que c’était poétique, on ne lui avait jamais parlé ainsi. Ce fut à son tour de rougir comme une pivoine, ses joues se teintant lentement d’un rouge fort prononcé. Pas cool de faire rougir les demoiselles, beau prince, pas cool du tout. Un court instant, la chatte se dit qu’elle n’aurait jamais du poser la question, parce qu’elle n’aurait jamais pensé que ça la mettrait dans de tels états. A rougir comme une abrutie sans pouvoir articuler le moindre mot sous peine de bégayer bêtement ! Et en plus de ça, à sourire comme une perdue, ses yeux plantés dans ceux du chat, totalement au septième ciel. Bienvenue, Alice, au Pays des Merveilles. Elle allait s’approcher pour lui coller une tendre lèche totalement improvisée sur la joue, quand soudain ...

« Et toi, Zéphyr ? »

Il parla, et la déconcentra brusquement. Elle recula son museau du sien, rougissant comme un champ de coquelicots, et voulut faire un pas en arrière, oubliant qu’elle était sur lui. Résultat des courses, elle se sentit vaciller dangereusement, voulut se rattraper à n’importe quoi, et ce fut à Epines. Elle leva une patte vacillante pour retrouver son équilibre, le perdit à nouveau et s’étala de tout son long sur le chaton. Le bout de ses pattes effleura le sol, et sa truffe se perdit dans le magnifique pelage de Nuage d’Epines. Rouge de honte, elle s’immobilisa, se rendant quand même compte que ça ne lui déplaisait pas trop, cette situation. Euh, si, en fait, elle venait de se prendre une sacrée honte. Elle retint un gémissement plaintif tout à fait inadapté, et se tortilla pour reprendre patte à terre, s’éloignant du chaton en quelques bonds pour cacher son malaise. Quelle gourde, non mais quelle gourde ! Et quelle était la question qui avait provoqué ce chambard ? Ah oui. Et toi, Zéphyr. Et toi, Zéphyr, est-ce que tu m’aimes comme je t’aime ? La petite chatte commença une toilette rapide pour cacher son embarras grandissant. Hem. Inspire, expire, tu peux y arriver.

« Bah ... Comment t’expliquer. T’as un sacré fan-club, tu sais, il y en a plus d’une qui adorerait être sur ta liste de courses. Alors je ne comprends pas pourquoi, non, comment ça se fait que c’est moi que tu aimes, si c’est vraiment de l’amour ? Fin je ne sais pas quoi, tu es très grand, tu es très beau, tu es très fort, moi je suis toute petite et pas très impressionnante, tout ce que je sais faire c’est rembarrer les autres pour qu’ils me foutent la paix. Y a mieux comme petite amie qu’une espèce de dingue bâtarde d’une taille de puceron qui fait des crises de panique à des moments donnés. Tu pourrais t’en trouver une à ta taille, et sacrément plus jolie que moi, comme Nuage d’Ivoire, même si c’est ta sœur, je sais. Tu seras bien mieux avec une chatte normale qu’avec ... Bah, disons-le franchement, une bâtarde consanguine dérangée et instable petite comme un puceron. »

Voilà, ça c’est fait. Même si ça lui faisait beaucoup de mal de dire ça, la petite chatte ne se leurrait pas. Pour elle, Epines était tout simplement attiré par la différence flagrante qui émanait d’elle, mais il s’en passerait bien vite. Même si elle l’aimait beaucoup – et qu’elle le cachait à merveille – elle n’avait pas envie de finir en casse-croute préemballé, puis balancé après usage. Ah, les situations James Potter et Lily Evans, c’est tellement éculé que c’en est mièvre et pitoyable tellement ça dégouline. Et si, comme James envers Lily, il l’aimait vraiment ? M’enfin bon, la petite chatte n’était pas bercée par les histoires romantiques dégoulinantes de mièvrerie, elle se retrouvait donc prise entre deux feux. Rester sur sa méfiance naturelle en ce qui concernait les choses nouvelles, ou lui faire confiance. En ce qui concernait sa méfiance, elle commençait à s’en lasser. Si elle était restée dessus, elle ne serait pas devenue l’amie de Nuage d’Epines et aurait continué à le bouffer des yeux dans l’ombre, mais elle ne serait pas devenue la cible numéro un de Nuage d’Ivoire, qu’elle aurait continué à admirer, toujours dans l’ombre. Bref, elle n’aurait pas d’amis, personne pour l’aider pendant les coups durs, comme tout à l’heure, personne pour la soutenir et chasser avec elle, et pour se réchauffer mutuellement en plein hiver, personne toujours. Au diable la méfiance, au diable, les préjugés, au diable les sandwichs Sodebo préemballés au thon et à la tomate, et surtout, au diable ses foutues origines et sa petite taille qui lui pourrissaient continuellement la vie. Elle releva la tête et redressa ses petites oreilles pour chercher Nuage d’Epines du regard, qui semblait vachement triste quand même.

« Bon, et puis tu sais quoi ?! Merde, voilà ! »

Nuage d’Epines la regarda avec surprise, tandis qu’elle se relevait, se campant sur ses petites pattes. Bon dieu, manque plus que le rocher, la cape, le vent et le rayon de soleil. Tadaaah, j’arrive, pour pourfendre les monstres et une fois de plus envoyer la Team Rocket vers un autre ciel. Puis elle partit sans réfléchir, sur un coup de tête, en courant. Non pas vers la sortie, ce serait fort mesquin. Allez vous faire foutre, Miranda Priestly x). Elle courut donc vers ... Nuage d’Epines, évidemment, sinon c’est pas marrant, ce dernier étant encore couché sur le ventre et la regardant d’un air mêlant surprise et tristesse. Et elle se jeta dans ses pattes, tout bêtement, mêlant leurs deux fourrures et calant sa petite truffe dans le creux du cou du mâle, juste après lui avoir fait une lèche sur sa truffe à lui. Oâh, quel romantisme, mes amis, sortez les mouchoirs. Ce fut à son tour de ronronner comme une malade, pelotonnée dans les pattes très confortables du chat tigré. Très confortables et très musclées. Fallait pas déclencher son courroux, un coup de ça en pleine tête ça doit faire sacrément pleurer quand même. Pleurer de douleur, j’entends, héhé. Avec un sourire moqueur qu’il ne put pas voir, la petite chatte ne put s’empêcher de lâcher, amusée :

« Et maintenant quoi, beau mâle ? Des tonnes de chiards braillards et gueulants qui m’immobiliseront à la pouponnière pendant six sacrés longs et très ennuyeux mois ? »

« Bah ... Comment t’expliquer. T’as un sacré fan-club, tu sais, il y en a plus d’une qui adorerait être sur ta liste de courses. Alors je ne comprends pas pourquoi, non, comment ça se fait que c’est moi que tu aimes, si c’est vraiment de l’amour ? Fin je ne sais pas quoi, tu es très grand, tu es très beau, tu es très fort, moi je suis toute petite et pas très impressionnante, tout ce que je sais faire c’est rembarrer les autres pour qu’ils me foutent la paix. Y a mieux comme petite amie qu’une espèce de dingue bâtarde d’une taille de puceron qui fait des crises de panique à des moments donnés. Tu pourrais t’en trouver une à ta taille, et sacrément plus jolie que moi, comme Nuage d’Ivoire, même si c’est ta sœur, je sais. Tu seras bien mieux avec une chatte normale qu’avec ... Bah, disons-le franchement, une bâtarde consanguine dérangée et instable petite comme un puceron. »

« Bon, et puis tu sais quoi ?! Merde, voilà ! »

~~qu’il avait envie de croquer~~

« Et maintenant quoi, beau mâle ? Des tonnes de chiards braillards et gueulants qui m’immobiliseront à la pouponnière pendant six sacrés longs et très ennuyeux mois ?
- Ha oui, et comment je me passerai de toi, moi ? Mômes ou pas, je te garde ici, pas question de t’envoyer pourrir chez les grognasses que tu viens à peine de quitter, après six sacrés longs et très ennuyeux mois, comme tu dis si bien. »

« Cpanormal d’être aussi belle *____*. »

« Dis. On se considère comme sortant ensemble, ou on garde ça secret, pour l’instant ? Parce que Feuille ou quelqu’un va bien s’apercevoir de quelque chose, non ? »