Médite

Coeur de Cendres, tapi dans l'herbe haute, observait avec curiosité une petite souris qui, tremblante de peur, laissait parfois échappé un couinement apeuré, se retrouvant vers son ennemi de toujours : le chat sauvage. Le guerrier passa une patte de velours sur la bestiole, qui fit le dos creux, espérant échappé à la caresse mortelle du chasseur, qui, tel une douce brise d'été, ébouriffa légèrement les poils du rongeur. Le félin laissa un moment sa patte en suspension au-dessus de la tête de sa proie, semblable à une redoutable épée de Damoclès s'étant octroyé le droit de vie ou de mort sur la minuscule bête. C'était en usurpant ce droit que les chats sauvages -comme tous les autres prédateurs du reste- avait pu subsisté à travers les rudes hivers, les dux printemps, les fourbes automnes, les généreux étés. Chacun avait à charge un nombre de morts considérable, mais toutes avaient une raison plus ou moins légitime, selon l'éternel cycle de la vie.
Mais personne n'avait un aussi absurde que sanglant palmarès que la tueuse qui sévissait dans la forêt.
Le chasseur couleur de jais se tourna sur le dos en soupirant, se désinterressant de la souris comme une jeune enfant se lasse de son jouet préferé.
Pourquoi une quête aussi terrible avait été entreprise par la tristement célèbre Tempête de Flammes ? Son histoire était jalonnée de mise à mort sommaires, de tortures cruelles, qui faisant de son chemin dans la vie une suite d'empreintes rouge du sang de ses victimes.
Il ne connaissait qu'une espèce capable de déployer de si féroces efforts afin d'assoir sa domination, enrôlant dans son sillage la haine, la colère, se nourrissant des mauvais sentiments, en les tendant tous vers un seul but : l'annihilation pure et simple de milliers d'âmes, afin d'éliminer des rivaux plus ou moins imaginaires. Cette espèce, c'était l'homme.
Mais pourquoi donc la "solitaire" empruntait un si terrible instinct de déstruction aux bipèdes les plus mauvais ?

Invité

- Bonjour, Coeur de Cendres. -

- Comment vas-tu ? J'espère que ton Clan se porte bien. Devant la menace que représente Tempête de Flammes, il faudrait déjà mettre les chatons et les anciens en sureté... -

Quand le guerrier au pelage noir avait senti le félin de la Rivière -un
peu tard, ces préoccupations ne mettant pas plus ses sens en éveil que
d'ahbitude, loin de là- il roula instinctivement sur le ventre, se
retrouvant nez-à-nez devant la souris, toujours paralysée de peur, et
soupira devant son manque total d'esprit d'initiative.
Coeur de Cendres leva son regard, et planta ses prunelles grises acier dans celles de l'apprenti qui venait de le saluer.

-Bonjour, Nuage Tigré.
Impossible de se tromper : c'était forcément l'apprenti guerrisseur du
clan de la Rivière. Même si on avait crevé les yeux du chasseur de
l'ombre, il l'aurait reconnu à sa voix grave...

-Bien, merci. En tout cas, pour l'instant. Et toi ?
Il fit une courte pause, qu'il employa à rapprocher la souris tétanisée
vers lui, et le geste rappelait une mère ramenant prêt d'elle de
turbulent chatons. Le petit rongeur couina, imaginant les terribles
griffes transperçant sa tendre chair, séctionnant les muscles,
déchirant les tissus, jetant à bas au passage les minuscules artères.
Qui a dit que l'imagination n'apportait que des agréments ?
Le chat noir continua, sa voix poui l'instant douce couvrant sans
efforts les couinements apeurés qui jaillissaient de temps à autre du
minuscule gosier du rongeur :

-Oui, il se porte mieux que jamais. Quand aux non-combattants, la
protection procuré par les autres guerriers est suffisante... du moins
pour l'instant.
Devinant sans effort le sens caché de la question de l'apprenti, il continua :

-Etoile Fauve m'a accordée un jour de relâche.
Ses iris argentés flamboyèrent un moment, avant de retrouver leur teinte normale, inflexible.

- Notre Clan va à merveille, merci pour toi,

Nous chassons bien et je n'ai jamais vu l'infirmerie aussi vide. J'ai entendu parlé d'une chatte de votre Clan qui va accoucher, comment va-t-elle ? -

Le guerrier noir lâcha, mi-amusé mi-soupçonneux :
-Tu es bien drôlement bien informé... Peut-être es-tu notre guérisseur déguisé ? Je devrais alors t'infliger une sévère correction, tes herbes m'ont faits éternué pendant deux jours entiers.
Coeur de Cendres ferma les yeux et ronronna un court moment à l'évocation du souvenir pendant lequel Crocs Sauvages, le guérisseur, avait manifesté des dons exceptionnel de sprinteurs.
Le chat noir continua de bonne humeur :
-Le temps est bien agréable : ensolleillé, pas trop sec. Un temps pour se prélasser, à la rigueur pour chasser à l'ombre mais pas pour combattre
Le félin de jais continua à mi-voix, plus pour lui que pour son interlocuteur :
-Espèrons que Tempête de Flammes respectera cette trève tacite.
*Et espèrons que ces beaux jours ne voit pas la mort d'autres chats et un nouvel affrontement*

Invité

- J'anthicipe. J'ai peur d'être un mauvais guérisseur... Si un chat mourrait devant moi, je... je.. je ne pourrais plus être guérisseur ! -

Le guerrier, un peu surpris par ce geste d'affection, le rendit à l'apprentit guérisseur, adjoint d'un généreux ronronnement.
Il avait remarqué le trouble de Nuage Tigré, dont l'origine était sans doutes possibles la même que celle de sa réflexion. Oui, décidément, la solitaire causait beaucoup de tracas, et ce chez tous les félins sans différence de clans, de couleur ou de rang. Les différences dûs à la longueur du poil étaient également exclus, Coeur de Cendres n'ayant pas mis la patte sur un énervement plus présent chez les chats angoras par rapport à ceux à poil ras, à part peut-être car les chats à poil longs pestaient en permanence pour toutes les brindilles, feuilles et autres débris végétaux qu'ils ramenaient dans leur épaisse fourrure, mais c'était une autre histoire.
Préoccupé par cette importante réflexion philosophique relevant indiscutablement de la plus haute philosphie qui soit, Coeur de cendres commença :
-Si tu as faim, tu peux manger cette souris, dit-il en pointant du menton l'endroit où ne se trouvait plus le rongeur. S'aperçevant de la disparition de la souris, le chasseur de l'ombre soupira, avant de grommeler, de l'amusement dilué dans son ton faussement agacé :
-Les souris ne sont décidement plus ce qu'elles étaient : elle manque à la plus élementaire des courtoisie