Entraînement au combat pour Nuage d'Ebène.

>> Milieu de journée. Le soleil était a son zénith, malgré que celui ci soit bas, étant donné la saison. Les pâles rayons sans chaleur ne se déversaient cependant pas dans la Combe Ombragée, car si les chênes avaient perdu leurs feuilles, les pins qui protégeaient l'endroit résistaient de toutes leurs aiguilles. Le sol lisse avait échappé aux dernières chutes de neigés et on n'y trouvait que quelques aiguilles couvertes de givre. La terre était gelée, froide et dure sous les coussinets de la femelle qui descendait dans la petite dépression.
C'était une bête puissante, aux larges épaules et aux pattes longues et fines. Son corps souple et musculeux se mouvait dans le silence le plus parfait, faisant rouler les membres entraînés sous un pelage étonnamment ras, contrairement a celui es autres chats sauvages. Ce poil était d'une couleur fauve, entre le brun et le roux, lustré et parfaitement lisse. Les oreilles étaient plutôt grandes et celle de droite présentait une entaille en forme de V. On ajoutait a cela l'exceptionnelle longueur des griffes, la longue queue fine et le regard d'un jade intense et l'on reconnaissait sans peine Etoile Fauve, chef du Clan de l'Ombre.
La meneuse sautait de rocher en rocher, et finit par atteindre le fond de la Combe. Elle leva le nez vers le sommet pour regarder la progression d'un autre félin qui la suivait. Plus petit, c'était un jeune a la magnifique robe bicolore et aux yeux de flammes. Nuage d'Ebène. Il la rejoignit sans peine tandis qu'elle laissait son regard dériver sur le ciel d'un bleu pur avant de revenir sur lui. Il s'était bien formé. Son corps était à présent musclé, ses sens affutés, et sa réflexion toujours efficace. Chaque jour, il devenait meilleur guerrier, mais ses yeux restaient froids et triste, et Etoile Fauve savait bien que la cause de cette éternelle mélancolie était Coeur Tacheté, l'ancienne mentor de Nuage d'Ebène. L'ancienne apprentie d'Etoile Fauve, aussi...

-Bien. Nuage d'Ebène, je suppose que tu sais pourquoi nous sommes ici. Tes techniques de chasse sont toujours meilleures, mais il ne faut pas négliger le combat. On va voir comment tu te débrouille.

La femelle se tapit contre le sol et fixa l'apprentie de son regard vert.

-Attaque-moi.

>> La meneuse remua les moustaches d'un air appréciateur lorsque l'apprenti la détailla attentivement au lieu de foncer tête baissée. Calculateur, donc...
Nuage d'Ebène bondit soudain, et elle fit un rapide écart, par prudence. Mais il ne la toucha pas. Il atterit un peu sur son côté et la jaugea encore quelques secondes avant de bondir de nouveau. Les prunelles oranges du félin bicolore étaient fixées sur la queue brune d'Etoile Fauve. Il avait quelque chose en tête, c'était sûr. Une certaine insistance dans le regard, qui devait être due soit a de la concentration, soit a une feinte. Lorsqu'il changea brusquement de trajectoire, préférant le flanc à la queue de sa chef, ses doutes se confirmèrent. C'était une feinte.
Etoile Fauve choisit de se décaler sur le côté, comptant se retourner et envoyer bouler l'apprenti d'un coup de patte, mais c'était sans compter la rapidité, digne d'une vipère, que possédait le jeune chat. Elle n'eut pas le temps de se mettre hors de portée et il la percuta de plein fouet. L'impact ne fut cependant pas assez puissant pour la déséquilibrer et elle tituba seulement sur ses pattes avant de se retourner. Elle dérapa dans le sable, et imita l'apprenti, lui faisant subir l'exacte réplique de son attaque, l'envoyant rouler dans la poussière. Il était surement le plus robuste et le plus grand des apprentis, mais il restait tout de même bien plus petit qu'elle et plutôt poids-plume. Cela dit, il était rusé, puisque nombre de chats devaient manger la terre avant de comprendre combien les yeux pouvaient trahir. Il lui faisait penser à Coeur Tacheté, en de nombreux points. Même ruse, même regard intelligent et aiguisé, mêmes sens en alerte, même souplesse... Mais tellement plus froid.

-Pas mal, Nuage d'Ebène. Tu as compris l'importance du regard. Mais n'essaie pas de me faire tomber par la puissance d'un saut. Regarde nôtre différence de taille. Tu es rapide. Sers-toi de ta vitesse pour me déséquilibrer. Repousse-moi.

Terminant sa phrase sur un feulement menaçant, elle se tapit dans la poussière et bondit, son corps souple tendu, pattes en avant et griffes rentrées. Un saut calculé a la perfection qui la ferait atterrir juste sur les épaules de l'apprenti.