Il y a des jours où on devrait éviter de réfléchir.

Le soleil se couchait. Le paysage se parait de toutes les nuances de rouge et d'or sous ses rayons horizontaux. Le gibier se préparait pour la nuit, et l'air bruissait de l'activité du soir. Le vent faisait s'agiter les tiges dorées, et apportait en même temps depuis le camp de Bipèdes une odeur désagréable de Chemin de tonnerre, qui me fit froncer les narines de dégoût. La nature sauvage était tellement plus belle.
Un papillon blanc tardif voleta près de mon oreille. Dès que j'esquissai un mouvement de la tête pour mieux le regarder, il s'en fut à tire d'aile. Je me rengorgeai un instant, puis me dis qu'il n'y avait rien de fier à faire fuir un petit papillon qui ne pouvait pas se défendre.
Je me remis en marche, goûtant chaque nouvelle odeur de terre humide et de feuilles avec délices. Un caillou un peu plus pointu que les autres déchira mon coussinet. Je m'arrêtai un instant pour observer ma blessure, bénigne, et la léchai avant de continuer sans plus y penser.
Mon pelage blanc se détachait nettement sur le pourpre qui m'enveloppait. Malgré cela, me glissant derrière un buisson, un tronc, un rocher, je parvenais à dissimuler mon pelage aux yeux de ceux qui me suivraient.
J'aimais la nuit. J'appréciais regarder pendant de longues heures la ronde lente des étoiles de la valse céleste, où les seuls bruits qu'on entendait étaient le froissement soyeux de l'herbe dans le vent, ponctué parfois par le cri étouffé d'une chouette lointaine, et par moments par le grondement assourdissant d'un monstre solitaire dont les yeux aussi lumineux que l'astre solaire laissaient de désagréables traces fluorescentes sur la rétine. Les rongeurs dormaient, aussi la chasse était-elle impossible. De toutes façons, je n'avais pas faim. Et les fiers guerriers du clan du Vent n'apprécieraient pas que je leur vole leur gibier.
Dans l'air froid de la fin de la saison des neiges, la chaleur malodorante que dégageait le Chemin du Tonnerre était la bienvenue. Je m'étais habitué à l'odeur, à force de parcourir les camps des Bipèdes. Les derniers rayons du soleil effleuraient mon pelage et le Chemin du Tonnerre sous mes pieds.
Tout près, dans le territoire du Clan du Vent, une chatte hurla. D'un cri tout sauf félin.
Prudent, je décidai d'aller profiter du crépuscule plus en amont du Chemin. Je ne faisais que passer.
Paisible, je m'apprêtais à savourer la nuit. Une fois de plus, seul, sur les terres des solitaires.

(désolée, mais je n'osais pas tenter de me mettre à la hauteur d'une déesse XP ! Là, en plus, j'avais plus trop de temps. Encore désolée.)

Mais un chat noir se dressa devant moi avant que j'aie pu partir. Il était presque invisible dans l'ombre du soir, seuls ses yeux le trahissaient, deux rubis hargneux qui luisaient de colère sous la faible lueur que dépensait encore le soleil, presque disparu à l'horizon.

— Casse toi, bâtard ! siffla-t-il.

Je tressaillis. Pour qui se prenait-il ? Il n'était même pas sur ses terres ! Je reconnus alors Étoile Sanglante, la meneuse du Clan du Vent. Bien que je ne l'aie jamais vue de mes propres yeux, les descriptions que j'en avait entendues résumaient assez bien l'apparence de la Chef : grande, noire, les yeux rouges, toujours en colère et aussi, si j'avais douté de la bravoure de ceux qui me l'avaient décrite, maintenant je les comprenait : elle était assez terrifiante. Surtout dans l'ombre, où elle paraissait irréelle, comme un mauvais esprit.

On m'avait souvent traité de bâtard, et autres termes encore moins glorieux. Les chats des clans sont nombreux à traiter les Solitaires avec mépris et condescendance. Ils ne comprennent pas la liberté dont jouissent les chats sans Clan — je ne pensais évidemment pas aux chats domestiques, encore pire qu'eux.

Mais malgré cela, elle m'avait insulté. Sans aucun motif valable. Et quelle que soit l'horreur qu'elle commençait à m'inspirer, je ne me laisserais pas faire. Observant un calme que j'étais loin de ressentir, je m'assis sur le Chemin du Tonnerre et rétorquai d'une voix glaciale :

— Oh, mille excuses d'empiéter sur ton territoire. Alors comme ça, ce Chemin du Tonnerre est à toi ? Étrange, je ne savais pas que des Chats domestiques se baladaient jusqu'ici.

Si je venais de provoquait gravement la noire, je m'en moquais : mon honneur était lavé, et si elle m'attaquait, je lui filerais quelques coups de griffes pas trop graves et userais de mon don à me cacher partout pour rejoindre le territoire des Solitaires.

Mais le grondement inattendu d'un monstre qui approchait à pleine vitesse me surprit dans mes plans, et je m'apprêtais à ajouter quelque chose du genre "tiens, d'ailleurs voilà ton maître qui vient te chercher", quand je réalisai que j'étais sur le chemin du monstre. Hésitant encore, le monstre parvint à ma hauteur dans un rugissement insoutenable et je sautai au bas du ruban noir malodorant. En plein dans le Clan du Vent. Merde. Merde, merde, merde.
Si j'avais encore une chance de s'en tirer sans une égratignure, à présent je venais de donner une bonne raison à Étoile Sanglante de m'attaquer. Je n'eus pas le temps de me préparer au combat.

[Arf ! J'ai plus d'inspiration X_X' je reviendrai éditer si j'ai des idées]