« Contemplation.

« J'ai chaud. Mes yeux s'ouvrent, se referment. Contre moi, je sens le corps chaud de mon frère. Autour de nous, d'autres félins endormis. Un long frisson m'agite. Si je m'endors, reverraia-je encore une fois son visage tordu de douleur ? Je ne sais pas.
Je ne sais rien.
Où je suis, qui je suis, ce que j'ai fait.. J'ai oublié.
Il n'y a plus qu'une pensée en moi.

Qu'est-ce que je lui ai fait !? »

« Larme bondit sur ses pattes. Elle ne pouvait plus rester dans sa tanière. Elle avait trop chaud, il y avait trop de gens autour d'elle. Elle était couvrte d'une sueur froide qui l'envahissait dès que quelqu'un s'approchait un trop d'elle. Elle ne savait jamais ce qu'on pouvait lui faire. Son frère était mort pour elle, et elle avait survécu ! Quelle cruelle ironie que celle qu'on veut sauver reste en vie sans que vous la touchiez, alors que vous sacrifiez votre vie pour elle.

« Elle secoua la tête, reniant la psychose qui commençait à l'envahir. Les yeux brûlants de larmes qui ne coulaient point, la femelle blanche sortit de la tanière en vitesse. Elle s'empressa de quitter aussi le camp, sans même lui offrir un regard. Elle ne pouvait pas supporter les nuits. Tout le monde dormait, mais ses démons, tapis dans sa mémoire, s'éveillaient et bondissaient dès qu'elle fermait les yeux. Ombre Vive endormi lui-aussi, elle n'avait personne pour la consoler. Et, peu courageuse, elle ne se laissait pas aller au sommeil, qui, traître, s'empresserait alors de lui offrir à nouveau ce douloureux cauchemard.

« Larme eut un grognement rageur. Elle ne devait pas penser à Charbon. Elle devait vivre de l'avant, bien que ce soit beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Elle commença à courir dans la nuit, éprouvant le besoin de sortir, de sentir l'air contre son poil. Elle bondit par dessus un tronc, tandis que la forêt, éclairée par un quart de lune, s'agitait doucement au souffle du vent léger.

« La blanche finit par arriver à l'Arbre aux Chouettes. Gamine, celui-ci l'avait toujours fsciné, et le souvenir de ses jeux avec Nuage de Charbon et Nuage Vif l'emplirent d'une triste mélancolie. Désormais, elle ne verrait même plus son frère.. Ils formaient un beau trio, tous les trois : elle, blanche ; Charbon, noir ; Vif, les deux. Bien des anciens en avait rit en les voyant à leur naissance, se ressemblant tous sans pour autant être identique, avec chacun une marque de leur caractère à venir : Charbon était musclé, Larme petite et se recroquevillait, Vif svelte.

« Un craquement fit se raidir la blanche. Elle se retourna immédiatement dans la direction d'où venait le bruit, et aperçut une forme féline. Larme recula de quelques pas, s'aplatissant au sol. Aux aguets, tout en elle murmurait qu'au moindre mauvais ]pas, elle déguerpirait.

>> Il faisait chaud, en cette nuit de la saison des feuilles vertes. Quelques rayons de lunes filtraient a travers les branches de la tanière des guerriers ou de nombreux félins étaient blottis. Mais au fond, un combattant leva brusquement la tête.
Ombre Vive avait été réveillé par la sensation de froid contre son flanc. Son regard ambré luisant dans la pénombre, il balaya la tanière du regard, en commençant pas l'endroit ou sa sœur dormait contre lui, habituellement. Elle n'était pas là et l'absence de sa chaleur contre son frère avait provoqué le réveil de ce dernier (mon dieu, j'écris comme une merde -_-).
Le guerrier fin se leva, encore un peu abruti de sommeil, puis sortit rapidement de la tanière, louvoyant entre les corps endormis avec un silence exemplaire. L'air tiède de la nuit la rafraîchit un peu, la chaleur était vraiment étouffante à l'intérieur.

Levant le nez pour humer l'air, il décela la trace de sa sœur, et se dirigea vers l'entrée. Elle avait visiblement décidé de s'offrir une petite escapade nocturne et son frère préférait savoir ou elle était, si elle allait bien. Lorsqu'il s'agissait de Larme, Ombre Vive devenait facilement parano. Parvenu au tunnel d'ajoncs, il décela également une seconde odeur, celle de Soupir Brumeux, un jeune guerrière du Clan du Tonnerre, mais il n'y prêta pas vraiment attention, focalisé par l'odeur de Larme. Une fois sortit du camp, il se mit a courir, avec cette fluidité et cette légèreté qui le caractérisait. Les traces de sa sœur menaient à l'Arbre aux Chouettes, du moins c'était la direction dans laquelle elles allaient.
Ombre Vive bondit souplement par dessus un tronc, à l'endroit exact ou Larme était passé un moment plus tôt. Il eut l'impression qu'elle sautait avec lui, car son odeur flottait encore dans l'air. Il imagina brièvement la silhouette blanche de sa sœur a ses côtés, ses yeux jaunes et anxieux... Larme était vraiment une chatte a part. Seul ombre Vive avait droit à ses paroles, sauf exception. La jeune guerrière ne s'était jamais vraiment remise de la mort de Nuage de Charbon. Ombre Vive avait fait son deuil depuis longtemps déjà et déployait toute son énergie à protéger sa petite sœur. Il s'en voulait tellement de ce qui était arrivé...

Si il avait su retenir son frère, l'empêcher de sauter dans le courant sans réfléchir ? Si il avait sauté lui aussi, pour les sauver ? Si il avait trouvé la solution ? Nuage de Charbon serait encore là, guerrier puissant à la carrure impressionnante. C'était ce qu'il était destiné a devenir, les anciens le répétaient souvent. Nuage Vif était devenu, comme prévu, un félin souple, mince et rapide. Nuage de Larme, une guerrière menue et silencieuse, mais terriblement intelligente. Et leur frère aurait du devenir un fort et brave guerrier. Ils formaient une bonne équipe, tout les trois. Le grand et musclé Nuage de Charbon et son pelage noir, son frère, le svelte Nuage Vif et son pelage bicolore, et la petite dernière de la portée, Nuage de Larme et sa fourrure immaculée. Et leurs yeux jaunes communs, brillants comme des soleils, donnant un air déterminé à Nuage de Charbon, un regard de faucon un peu fou à Nuage Vif et à Nuage de Larme, un regard perçant et clairvoyant.

Il ne restait que ces yeux, et les tâches noires d'Ombre Vive, pour rappeler Nuage de Charbon. La voix de sa sœur le tira de ses pensées et il ralentit. Larme parlait à quelqu'un ? Curieux et inquiet, Ombre Vive se faufila dans les buissons et se rasséréna un peu en sentant de nouveau l'odeur de Soupir Brumeux. Sa sœur n'était pas en danger. Cependant, il préféra avancer encore et observa la scène. Larme semblait acculée dans un coin alors que Soupir Brumeux, debout à quelques pas, la jaugeait. Sa sœur venait tout juste de parler pour la seconde fois, et le mâle remarqua qu'elle avait prit sa voix acide, presque méchante. Il s'avança à découvert, faisant détaler un lapin.

-Larme !

Il trottina jusqu'à sa sœur et lui donna un coup de langue entre les oreilles, pressant son flanc contre le sien.

-Tu m'as fait peur, murmura-t-il, j'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose.

Puis il se rappela soudain de la présence de Soupir Brumeux et se tourna vers elle en la saluant d'un signe de tête.

-Vous êtes tous somnambules dans ce clan ?

»Une ombre noire se faufila souplement entre les arbres. Au pied de l'Arbre au Chouettes, trois félins discutaient. Une chatte blanche était recroquevillée sur le sol.

« Nuage de Charbon.. »

»Qui était-ce ? Cœur Abandonné n'en avait que faire. Sûrement un du Clan. Vu la façon dont le femelle prononçait son nom, il devait être mort. Mais quelle importance ? Le monde n'est que chagrin. Douleur. C'était le femelle qui l'avait réveillée. La couleur de son pelage ravivait en lui un souvenir brûlant. Et les images se succédaient dans sa tête. Mais là encore, aucune importance. Cœur c'était renié lui-même, avait renié tout ses sentiments.

»Il s'assit et attendit. Sa queue était enroulée autour de ses pattes, immobile, comme si elle était lasse de bouger. Les yeux ternes du chat noir étaient fixés sur le ciel. Comme cette nuit-là... Les larmes ne coulaient pas. N'emplissaient pas ses yeux. Elles étaient mortes, évaporées dans le monde de Cœur, comme si elles étaient parties avec ses sentiments.

»La blanche était toujours recroquevillée sur la terre, comme si quelqu'un s'apprêtait à lui donner le coup de grâce. Le noir aurai bien aimé que ce soit à lui qu'on le donne, ce coup. Après tout, il était déjà mort. Mais il n'était pas encore là-haut, avec elle. Il était las d'attendre. Qu'avait-il fait pour mériter cette torture ? Il avait aimé une chatte au pelage d'ivoire, mais était-ce si grave d'aimer une magnifique chatte ? Méritait-il d'être blâmé ?

»Un nuage cotonneux passa. Sur le noir d'encre du ciel, il paraissait grisé. Il avait le forme d'un chat. Un chat...

«Ne peux-tu pas venir me chercher, mon aimée ?»

»Le chat sembla murmurer «je t'attends». Puis il se déforma, poussé par le vent. Le Guerrier baissa la tête. °Je voudrais te rejoindre, depuis si longtemps...° Ses pensées tournaient dans sa tête, à l'affut d'une occasion de le blesser. Mais il n'en avait que faire, il avait déjà enduré trop de chose pour souffrir. La Toison les surplombaient, et, parmi les petits points scintillants, un d'eux avait plus d'éclat que tout les autres pour le Guerrier. Oui, c'était bien elle. Elle s'aperçut que la toison faisait comme une tête. Une tête si connue...