Juste une envie d'y croire

Invité

C’était la nuit noire. Tout le camp dormait depuis plusieurs heures. Les anciens s’étaient cachés sous leur litière pour se protéger du froid torride. Les petits chatons ne jouaient plus devant la pouponnière, ils étaient blottis contre leurs mères respectives. Les apprentis ne trainaient plus avec leur mentor, mais rêvaient au jour où ils seraient guerriers. La tanière des guerriers était plongée dans un noir intense, une chaleur était dégagée par tout ces corps inertes. Ils étaient tous collés les uns les autres pour surmonter cette nuit glaciale. Toutes les âmes innocentes étaient plongées dans un sommeil profond et réparateur. La plupart rêvaient des belles choses de leur vie, à des proches ou à leur passé. Mais une d’entre elle se détachait plus que les autres. Cette figure rousse et blanche de nature anxieuse gigotait dans tous les sens. Quelque chose la tracassait. Tornade de Feu était en sueur, essoufflée comme si elle avait couru pendant des heures. A quoi pouvait bien penser la lieutenante aux yeux d’azur ?

Après avoir défait sa litière de mousse et de lichen, en gémissant des paroles incompréhensibles, Tornade de Feu se réveilla en sursaut, son cœur battait très vite, ses pupilles étaient dilatées laissant voir ses yeux brillants tels des saphirs. Elle était affolée, ses pattes étaient moites, elles tremblaient. Inquiétée par son attitude, elle sortit le plus rapidement de la tanière en évitant, comme elle put, les nombreuses boules de poils endormies. Dans sa précipitation, elle effleura la queue d’Ombre Vive et une patte inconnue. Mais heureusement aucun chat ne fut réveillé. Elle ne voulait pas être vue dans cet état, elle devait se montrer forte car elle était lieutenante.

Elle s’aventura jusqu’au centre du camp et leva la tête pour scruter le ciel. La lune brillait dans le ciel sombre baigné dans un océan d’astres lumineux. Elle s’ébroua pour se débarrasser de la mousse entortillée dans son pelage. Elle se lécha légèrement les flancs pour décoller les brins rebelles. Elle se posa près du promontoire et réfléchit à ce qu’elle allait faire. Elle ferma les yeux et refoula tous les évènements passés ces temps-ci. Repenser au passé lui faisait mal. Cette douleur si ancrée et pourtant si récente qui broyait à chaque minute une partie de la femelle. Elle jeta son regard sur la tanière de sa chef bien-aimée, Étoile de Givre, puis leva la tête vers le clan des étoiles. Une lueur argentée scintillait dans ses yeux. Des larmes ? On ne le saura pas. Une pensée lui parvint, ses moustaches frémirent puis partit à pleine vitesse en dehors du camp. Elle ne savait pas où elle allait, mais une force inconnue la guidait. Celle-ci l’amena jusqu’au grand sycomore. Elle monta jusqu’au sommet de cet arbre immense et imposant. De là, elle dominait tous les horizons, elle pouvait voir les grands chênes, et les territoires des divers clans. Elle cherchait partout autour d’elle quelque chose ou plutôt quelqu’un. Étoile de Givre. En effet la meneuse au pelage de neige avait mystérieusement disparu depuis quelques jours, laissant aucune trace derrière elle. Tornade de Feu ne voulait pas croire à sa mort, elle se le refusait, c’était impossible. Le clan du Tonnerre était donc sans chef, et toutes les responsabilités étaient sur les épaules de la lieutenante. Elle n’était pas prête à devenir meneuse. Elle était perdue, ne savant quoi faire. Devenir chef, élire un lieutenant, diriger le clan, recevoir ses neuf vies ou rester lieutenante et garder espoir. Ses pensées étaient confuses, elle avait besoin de quelqu’un à qui se confier mais son amie n’était plus là. La femelle bicolore éclata en sanglot ; elle se raidit, sortit ses griffes et s’attaqua à l’arbre, elle fit tomber quelques fines branches qui faisaient un énorme bruit en touchant le sol. Les quelques proies du secteur furent effrayés par le craquement des branches. Après cet acharnement instantané, elle réalisa que ça ne servait à rien de s’énerver sur l’arbre. Elle reprit ses esprits et se coucha sur une branche solide. Elle cligna des yeux car elle manquait de sommeil. Quand tout d’un coup elle entendit un bruissement de feuilles près d’un buisson. Elle huma l’air pour savoir qui cela pouvait être et s’aperçu que le chat caché dans le buisson était du clan du tonnerre. Était-il là depuis longtemps ou venait-il d’arriver ? Perturbée, Tornade de Feu pensa tout de suite à sa meneuse.

« Étoile de Givre ? Est-ce toi ? »

Mais le buisson trembla et révéla un autre chat du clan du tonnerre, et qui n’était pas la chatte blanche attendue par la lieutenante. L’inconnu tapi dans l’ombre s’approcha calmement du grand sycomore.

>> L'odeur l'envahit. Le réveilla.
Ombre Vive entrouvrit les yeux, ses prunelles jaunes formant deux croissants flamboyants dans l'obscurité, et regarda disparaître la queue de sa lieutenante à travers le rideau de branches basses qui formaient l'entrée de la tanière des guerriers. L'odeur que Tornade de Feu laissait dans son sillage était la plus agréable du monde pour le guerrier noir et blanc. Sa jolie guerrière venait de quitter précipitamment la tanière après un sommeil plutôt turbulent, mais le mâle n'avait pas bougé, feignant le sommeil jusqu'à ce qu'elle se soit éloignée. Il se leva en silence, son corps svelte se frayant sans mal un chemin parmis les chats endormis, chuchotant un "à plus tard" à sa soeur, Larme, pelotonnée près de lui. Il passa la tête à l'entrée de l'antre des chasseurs et vit sa lieutenante qui courait dans le tunnel d'ajoncs. S'élançant dans l'air froid de la nuit, Ombre Vive, le bien nommé, la suivit en silence.
Tornade de Feu prenait la direction du grand sycomore. Rapide, le chasseur bicolore n'eut aucun mal à la suivre, sautant par dessus la végétation, se faufilant sous les racines, restant à bonne distance de sa lieutenante. Il la suivait à l'odeur, lui laissant une certaine avance. Lorsqu'il fut certain de la destination de la femelle, il ralentit l'allure et se mit à marcher. Enfin, l'arbre géant s'offrit à sa vue, et il s'arrêta sous un buisson. Dressant l'oreille, il repéra des sanglots étouffés, ainsi qu'un raclement...Celui de griffes s'acharnant sur l'écorce du feuillu. Ombre Vive resta tapit sous les fougères, sa fourrure noire et blanche se fondant parfaitement au milieu des ombres et des reflets de la lune. Ses yeux jaunes captèrent alors la silhouette blanche de Tornade de Feu, et le bruit cessa lorsque la femelle descendit sur une branche plus basse et s'allongea. Puis son regard azuré balaya les environs et elle sembla se tendre, chercher quelque chose, pour fixer son attention sur le buisson sous lequel stationnait le guerrier.

-Etoile de Givre ? C'est toi ?

Ombre Vive soupire, désolé de devoir décevoir sa lieutenante, et émergea de la végétation. Ses yeux jaunes brillaient comme des phares dans la nuit (une particularité qu'il détestait) lorsqu'il sauta de branche en branche pour s'arrêter sur celle de la femelle rousse et blanche.

-Non...Et je n'ai sentie sa trace nulle part. Je suis désolé...

Il ne sut qu'ajouter et choisit de ne rien dire, soucieux pour sa belle Tornade.

» Aggresif ? Juste un poil.
» Juste un petit coucou ^^