Chasse & Rencontre

Coeur de Sang chassait seul aux Rochers du Soleil, qui appartenaient depuis un moment déjà au Clan de la Rivière. La lumière blafarde du soleil était à peine perçue, le ciel était d'un blanc de laine, l'air d'un froid mordant. Les proies abondantes en toute autres saisons se cachaient, encore, et à cette pensée le ventre de l'imposant matou gargouilla. Il n'avait pas mangé depuis la veille et se couperait une patte pour pouvoir manger. Il revint de suite à la réalité: il pensait avoir perçu le bruit ténu du grattement d'un campagnol sur les feuilles d'un buisson. Coeur de Sang se raidit; coucha son ventre famélique contre le sol et tendit l'oreille. Son intuition était confirmée; il y avait bien un campagnol dans les parages. Son odorat le guida vers sa gauche, et il suivit la piste très doucement, pour que sa proie ne l'entende pas. Il en avait l'eau à la bouche! Il bondit sur le campagnol, qui poussa un cri aïgu, et l'acheva d'un coup de dent. Mais Coeur de Sang était tellement concentré sur cette bête qu'il n'avait pas entendu: un autre animal, un chat plus précisément, se trouvait non loin de la. Du Clan du Tonnerre, même. Coeur de Sang se détendit sans baisser sa garde pour autant: le Clan du Tonnerre n'était pas le pire ennemi de son Clan. Mais on n'était jamais trop prudent. Afin de se convaincre que l'intrus n'était pas hostile envers eux, il se retourna et le chercha des yeux. Il ne le trouvait pas! Mais à ce moment là, il reconnut plus précisément son odeur: c'était, si ses souvenirs de la dernière Assemblée était bons; Tornade de Feu; le lieutenant du Clan du Tonnerre. Il l'appela alors, en essayant de ne pas paraître trop agressif.:

" Tornade de Feu? Je sais que tu es là. Les Rochers du Soleil sont au Clan de la Rivière, tu le sais, alors que fais-tu là? "

Invité

Ce matin était particulièrement frais, la brume blanche matinale flottait dans l’air humide. Une légère couche de rosée recouvrait la végétation. Un vent glacial balayait les feuilles des arbres, et glaçait tout sur son passage, bientôt toute la forêt allait être givrée, et les plantes allaient briller comme des étoiles. La forêt était plongée dans un profond silence, seul le léger chant des oiseaux pouvait perturber ce silence. Aucune proie n’était visible, le petit monde de la forêt s’était réfugié au chaud comme il pouvait. Dure matinée pour la chasse.

Tornade de Feu était partie du camp du Tonnerre à l’aube, quand le soleil commençait à pointer ses pâles rayons qui essayaient de percer l’épaisse couche nuageuse. Elle voulait apporter quelques proies pour le clan, qui avait faim depuis plusieurs lunes. Elle avait très peu dormi, et à la place de rester dans la tanière des guerriers qui dormaient profondément en boule, elle préférait se rendre utile.

Elle partit en direction de la combe sablonneuse, pensant trouver quelques proies dodues. Elle dévala la forêt à grande vitesse, pour se réchauffer, car le froid lui glaça le sang. Après être arrivée à l’endroit voulu, elle s’arrêta sur le sable, et huma l’air. Elle ne sentit rien. Mais une petite bourrasque passa, ce qui lui permit de sentir un lapin non loin. Elle frémit des moustaches, un lapin, une proie idéale, rien qu’à y penser, elle se voyait donner un coup de crocs dans la tendre viande juteuse. Elle se fit la plus légère possible, et rasa le sol au maximum. Il ne fallait pas qu’elle le loupe. Ce dernier, à découvert, mangeait une baie. Elle attendit le moment idéal, et lui sauta dessus. Le lapin se débattit, et elle abrégea ses souffrances d’un coup de crocs. Elle l’entera dans la terre givrée, et partit à la recherche d’une autre proie. Il y en avait une autre non loin, elle faisait pas mal de bruit, un bruit étrange par rapport à d’habitude, ce qui l’intriguait beaucoup ; mais celle-ci était un peu plus loin de ce qu’elle espérait, juste quelques mètres de la limite du Clan du Tonnerre, de l’autre côté de la frontière. Elle réfléchit un instant et se lança sur le territoire du Clan de la Rivière, sa curiosité la forçait à y aller, elle voulait absolument savoir ce que c’était. Elle marcha d’un pas lent, pour ne pas effrayer la « chose ». Elle savait qu’elle n’avait rien à faire ici, mais après tout ce territoire était à son clan anciennement.

A peine entrer sur le territoire, Tornade de Feu entendit quelqu’un l’appeler, le bruit de la « chose » cessa. Elle se retourna alors et accourut vers la voix de l’inconnu. Arrivée à sa hauteur, elle reconnut Cœur de Sang, qu’elle avait rencontré à la dernière assemblée.

« Bonjour Cœur de Sang, excuse-moi de mon intrusion, mais j’ai entendu un bruit si étrange, je voulais savoir ce que c’était. Tu ne l’as pas entendu toi ? Je suis là en amical, je n’ai aucune envie de me battre. »

Cœur de Sang avait entendu la réponse de Tornade de Feu. Ce bruit inquiétant? Un campagnol, c'est tout. Hum, peut être que Tornade de Feu n'a pas mangé depuis des jours et qu'elle a oublié le bruit que fait un campagnol agonisant... rit-il intérieurement. Il regarda la lieutenante du Clan du Tonnerre dans les yeux. Elle était grande, ses yeux bleus reflétaient la sympathie et la curiosité de savoir d'ou venait ce bruit. Il devina qu'elle disait vrai, elle n'était pas ici pour se battre. Juste par curiosité. Cœur de Sang se lécha le poitrail car un épi rebelle de la nuit agitée qu'il avait passée se redressait. Cela faisait plusieurs nuits douloureuses qu'il passait, surtout quand Cœur Inondé n'était pas avec lui. Il avait besoin du son de sa douce voix, de son pelage doux et réconfortant. Mais depuis quelques temps elle partait en patrouille de nuit et ne revenait qu'à l'aube, ce qui ne leur laissait peu de temps pour se voir. Je l'aime beaucoup trop... se dit il. Il fallait passer à autre chose, profiter de la vie! Mais pour lui, la vie se résumait à Cœur Inondé, Cœur Inondé, et aussi Cœur Inondé. Il se laissait emporter dans ses pensées, oubliant presque qu'il avait une "hôte" sur les Rochers du Soleil. Quand il s'en rendit compte, cinq bonnes minutes étaient passées en silence. Il devait avoir l'air idiot, comme d'habitude. Il n'avait aucun ami dans son Clan, était solitaire et ne parlait quasiment jamais. Il répondit à Tornade de Feu, afin de briser ce silence gênant qui s'était installé.

" Juste un campagnol que j'ai achevé un peu trop tardivement. Comment tu vas depuis la dernière Assemblée?"

Invité

Tornade de Feu trépignait sur place, gênée. Elle savait très bien qu’elle ne devait pas être là, et quelqu’un l’avait repérée. Ce n’était pas très bon pour sa réputation. Mais qu’importe, elle assumait totalement son acte, elle était toujours fière malgré sa situation embarrassante. Les Rochers du Soleil ont appartenu pendant longtemps au clan du Tonnerre, mais il les a perdus lors d’une bataille à l’époque d’Étoile de Léopard et Étoile de Feu. Ses grosses pierres plates étaient disposées en plein milieu d’une étendue d’herbe, un endroit idéal pour une sieste ; les rayons du soleil traversaient le lieu sans problème car il y avait très peu d’arbres, seulement quelques buissons persistants.
Tornade de Feu sauta sur une des pierres, et s’assit ; elle se tenait toute droite, ses yeux brillaient comme des saphirs. Elle observait Cœur de Sang qui semblait perturbé. Il était assez grand, au pelage roux rayé avec quelques tâches crèmes. Elle insista son regard sur une entaille qu’il avait sur le flanc, elle était assez importante ; sûrement un souvenir d’une bataille sanglante. Ses yeux, ambrés, semblaient soucieux, il devait penser à quelque chose d’inquiétant ou de très important. Après quelques instants, elle eut l’impression que Cœur de Sang l’avait complètement oubliée. Elle réfléchit, se demandant si elle ne devait pas filler en douce. Mais elle laissa tomber cette idée, elle n’était pas lâche, et ne faiblit pas face à l’ennemi, quoique Cœur de Sang n’était pas vraiment un ennemi. Il était plutôt sympathique, en tout cas assez pour laisser un chat d’un autre clan sur son territoire sans broncher. Elle commençait à s’endormir, mais il commença à parler. Elle était amusée, il était enfin sorti de son rêve.

« Je ne sais pas si c’est le campagnol ou toi que j’ai entendu. » disait-elle ironiquement.

Sa patte la grattait, après avoir fini sa phrase, elle la lécha rapidement pour se soulager.

« Moi je vais bien, le clan se porte bien, on est peut-être un peu en manque de gibier, mais je suis sûre que ça va passer, je vais demander à des guerriers d’aller chasser plus fréquemment. Et toi tu vas bien ? Tu me semblais préoccupé il y a quelques instants. »

Très embarassé, Coeur de Sang vit que Tornade de Feu avait remarqué qu'il s'était enfermé dans ses pensées et elle s'en amusait même. Une étrange tristesse s'empara de Coeur de Sang, aussi forte qu'il n'en avait jamais ressenti de telle. Si il avait été différent, il aurait sans doute plus d'amis qu'il n'en a aujourd'hui. Mais il ne pouvait pas changer. Il était comme il était, et ce n'était pas à 36 lunes qu'il réusssirait à changer. En plus, Tornade de Feu lui posait des questions! Totalement perdu, Coeur de Sang regarda autour de lui, affolé. Il tomba sur les yeux saphir de Tornade de Feu et son esprit se clarifia, comme gelé au contact de ces yeux. Il y lut aussi, avec l'amusement, la compassion. La compassion... Personne ne l'avait témoignée à l'égard de Coeur de Sang hormis Coeur Innondé depuis... Depuis... Coeur de Sang ne pouvait pas dire depuis quand. Il se demanda comment les autres guerriers le voyaient. Peut être qu'ils ne me voient pas du tout... se dit-il, le coeur serré. Le pauvre matou roux n'avait aucun ami dans son Clan, une solitude très difficile, surtout en cette saison, mais adoucie par l'amour mutuel que lui procurait sa compagne Coeur Innondé. Il se demanda aussi qu'allait-il répondre à Tornade de Feu. Ses yeux saphirs exprimaient une sympathie, un respect si fort qu'il ne put résister: il allait se confier. Il répondit d'une voix rauque, en réponse déjà à sa première question:

" Je ne crois pas que j'aie une voix aussi aïgue...

Ce qui me préoccupait? Je me sens seul. Plus que jamais. Les larmes perlèrent petit à petit sur les moustaches du matou. Je n'ai pas d'amis dans mon Clan, et encore moinsen dehors... Heureusement que Coeur Innondé est là. Tu la connais? C'est la plus belle chatte de la forêt, pas facile à louper... Un miaulement, mi-rire mi-sanglot, lui échappa, et il continua: Le plus dur, c'est de supporter de voir les autres se soutenir entre eux, et d'être seul à ce moment là... Coeur Innondé m'aide beaucoup. Avant, c'était mon amie. Mais maintenant, c'est plus qu'une amie, si tu vois ce que je veux dire..."

Invité

Tornade de Feu observait Cœur de Sang, du haut de sa pierre plate. Le soleil semblait briller d’avantage, la brume avait disparue, et laissait le ciel bleu sans nuages resplendir. L’air se réchauffait, le vent disparaissait ; le temps était chaleureux et agréable. Tornade de Feu étira ses pattes avant, puis se redressa au maximum ; pour paraître plus grande, et pour laisser briller son pelage au soleil qui la réchauffait. Personne n’était dans le coin, pas de chats du clan du Tonnerre, ni du clan de la Rivière ; elle était en tête avec Cœur de Sang, le chat roux, embarrassé et préoccupé. Elle le dévisageait plus que jamais, cherchant le moindre détail pouvant donner des explications. Son air, sa position laissait deviner une grande tristesse intérieure ; des pleurs près à sortir, mais Cœur de Sang résistait ; ne laissant aucune faille de son malheur. Il semblait totalement perdu, et les questions de Tornade de Feu le perdaient encore plus dans ses pensées. Ses yeux saphir étaient perçants, froids, mais aucune hostilité n’apparaissait. Cœur de Sang bougeait dans tous les sens, et tomba sur les yeux de la lieutenante rousse, et il y eut comme un choc, une sensation, une énergie étrange. Ils se regardèrent quelques instants et baissèrent les yeux en même temps. Tornade de Feu put lire dans les yeux du matou, la solitude, la grande solitude qui le dominait, et qui le domine toujours. La tristesse, la solitude ; deux émotions pas très agréables ; mais qui existaient quand même. Elle, la lieutenante rousse, n’avait pas connu ces deux sentiments en même temps, mais un à la fois ; et ça lui suffisait. Mais lui, avait les deux en même temps, le pauvre. Tornade de Feu était désolée, elle baissa la force de son regard, elle compatissait. Le malheur n’est drôle pour personne. Elle expira une grande bouffée d’air, comme pour dire qu’elle était désolée, et pour montrer sa compassion. Puis, Cœur de Sang prit de l’assurance, elle commença à montrer plus de respect à son interlocuteur, et il prit parole. Il se dévoilait, et elle, elle écoutait attentivement. Elle essaya de le rassurer :

« Tu sais, dans la vie, il n’y a pas besoin d’être très populaire, il suffit d’être ouvert avec les autres, de montrer tes preuves, et comme ça ils te feront confiance, et te montreront leur sympathie. Ce n’est pas facile au début, surtout lorsqu’on n’est pas habitué, mais je pense que tu peux le faire. Et après tout, tu n’es pas seul, il y a Cœur Inondé, je crois que je l’ai croisée à une assemblée. Je te comprends, c’est dur, on ne change pas du jour au lendemain, mais essaye. Tu n’es pas si désagréable que ça après tout ; regarde nous sommes de deux clans différents, et je pense qu’il y a de la sympathie entre nous. Essaye de changer, et rapproche-toi de Cœur Inondé ; mais reste le plus naturel possible. Bon, après c’est mon avis, tu fais ce que tu veux, surtout que je ne suis pas de ton clan. »

Elle sauta de sa pierre, et se plaça près de Cœur de Sang, elle toucha sa tête avec sa queue amicalement, comme pour lui donner du courage.

Ému, Coeur de Sang regarda Tornade de Feu, qui s'était approchée et lui avait donné du courage en touchant sa tête rousse avec sa queue avec affection. Ce geste était le premier que personne ne lui ait jamais fait - hormis sa Coeur Innondé -, d'autant plus que Tornade de Feu appartenait à un autre Clan que le sien! Sans doute, si ses "camarades de Clan" l'apprenaient, ils n'hésiteraient pas à le chasser sous prétexte de trahison. De plus, ils n'avaient déjà pas vraiment confiance en lui. Mais ils n'avaient qu'à l'accepter, aussi! De toute façon, les deux étaient en tort. Coeur de Sang, presque autant bouleversé que quand Coeur Innondé lui avait répondu qu'elle l'aimait aussi, regarda le lieuteunante du Clan du Tonnerre. Dans ses yeux, il lut la compassion. Encore plus ému désormais, il finit par la remercier d'un signe de la tête. Il réfléchit alors à ce qu'elle venait de lui déclarer. Manifestement, il fallait vraiment que Coeur de Sang change, et il en était capable, selon Tornade de Feu. Mais il fallait aussi qu'il reste naturel. Paradoxale, cette situation, non? Et puis... Se rapprocher de Coeur Innondé? Coeur de Sang ne voyait pas pourquoi, ou plutôt comment, il pourrait le faire. Le vent balaya la brume épaisse qui gonflait un peu la fourrure du matou roux, constellée de petites goutellettes d'eau. Quand le brouillard eut totalement disparu, il se sentit un peu plus léger. Est-ce que c'est un signe du Clan des Étoiles? Mais non, je ne suis pas guérisseur, bon sang... se demanda le félin couleur fauve. Si la lourdeur partait physiquement, partirait-elle moralement? Il répondit à l'intention de Tornade de Feu:

" Eh bien... J'essaierai, mais je suis quand même guerrier depuis presque 20 lunes... Je me demande si les autres m'accepteront un jour comme un "guerrier à part entière..."

Tornade de Feu en avait sans doute marre de ses plaintes incessantes... Il essaya de changer de sujet:

" Sinon, et toi? Tu vas bien? "

Après avoir demandé ça, Coeur de Sang de rendit compte avec embarras qu'il lui avait déjà posé cette question un peu plus tôt. Cela sautait sans doute aux yeux qu'il voulait changer de sujet. Il baissa la tête dans un mouvement de honte et laissa Tornade de Feu parler... ou bien le laisser là, blessée par ses paroles. Mais Coeur de Sang comprendrait. Coeur de Sang comprenait toujours tout...

[Ohh, je l'avais fait quand mon frère était sur l'ordi, il faisait 56 lignes sur mon cahier de brouillon! Dommage que ce soit pas pareil...]

(Je suis admise !=))

Brume Légère courrait dans la forêt à le
recherche d'une odeur, d'un bruit qui pourrait évoquer une proie. Des
bruit de discussion lui parvinrent. Le vent tourne et elle reconnut
l'odeur, très reconnaissable, du Clan de la Rivière ainsi que celle du
Clan du Tonnerre. Elle se rapprocha et identifia l'odeur du Clan de la
Rivière comme celle de Cœur de Sang. Elle se percha dans un arbre dont
la ramure s'étendait au-dessus de le scène. Tornade de Feu parlait avec Cœur de Sang. Crotte de souris, que faisait-elle là ?
"Eh bien... J'essaierai, mais je suis quand même guerrier depuis presque
20 lunes... Je me demande si les autres m'accepteront un jour comme un "guerrier à part entière..."
Brume Légère écarquilla les yeux. Comment avait-elle put être aussi aveugle ? Pourquoi n'avait-elle pas vu que le guerrier roux se sentait mis à part ? Si sa mère avait été là, elle lui dirait :
"Tu regarde trop tes moustaches et tu ne vois rien d'autre."
Sa mère… Elle n'était plus là… Son cœur se serra à cette pensée. Elle refoula ses larmes et se promis d'aider Cœur de Sang à se sentir entouré, soutenu. Elle se concentra sur la conversation. Cœur de Sang avait baissé la tête. Décidant qu'elle n'avait plus besoin de se cacher, Brume Légère descendit de l'arbre et s'approcha de Tornade de Feu, en caressant au passage le dos du matou roux du bout de la queue.
"Bonjour, Tornade de Feu. Sans vouloir te chasser, que fais-tu ici, sur un territoire qui n'est pas le tien ?"
Elle ne voulait pas avouer devant Tornade de Feu, un lieutenant qui respectait le code du guerrier, que ces histoires de frontières étaient totalement ridicule. Elle ne voulait pas s'avouer à elle que c'était parce que sa mère était morte en respectant le code du guerrier. En même temps, elle n'avait jamais laissé paraître son avis sur le code du guerrier et l'avait toujours respecté. elle attendit patiemment la réponse de la Lieutenant.

Sa sœur, Brume Légère, n'était jamais très loin de Bruine Lointaine. Et, de fait, cette dernière entendit sa voix en passant à quelques longueurs de queues de renard des rochers du soleil. Une légère odeur de tristesse flottait dans l'air calme, ce qui intrigua Bruine Lointaine : à cette saison, quand la neige avait enfin disparu et que les bourgeons redonnaient leur couleur aux arbres, Brume Légère arrêtait de penser à leur mère, morte lors de la saison des neiges.

Un vent léger se leva et apporta l'odeur de plusieurs félins. Dont l'un du Clan du Tonnerre.

Bruine Lointaine se hérissa. Était-ce pour cela que l'air sentait la détresse ? Cet individu de l'autre clan avait-il tué un chat du clan de la Rivière ? Où alors, le Clan de la Rivière l'avait-il repêché, mort, dans les eaux tumultueuses du cours d'eau ?

Ce n'était rien de tout ça, la femelle percevait les odeurs de félins vivants.
S'approchant silencieusement, elle vit dans une trouée à travers la brume sa sœur, Cœur de Sang, un mâle du Clan de la Rivière, et Tornade de Feu, le Lieutenant du Clan du Tonnerre. Elle n'avait pas l'air hostile.

La chatte tricolore s'allongea sur la terre humide pour écouter. L'eau boueuse s'infiltrait dans la fourrure blanche de son ventre, lui donnant quelques frissons de froid. Elle ne pouvait s'empêcher de sortir spasmodiquement ses griffes, et l'une d'elle crissa sur un rocher. Le vent forcissant agita sa fourrure noire et rousse.

Brume Légère venait de caresser le dos de Cœur de Sang. C'était de ce dernier que provenait l'odeur de nostalgie. Le nuage de brume cacha la scène à ses yeux, mais Bruine Lointaine entendait toujours. Patiente, elle écouta ce que se disaient les trois félins.

Brume Légère sentit la présence de sa sœur derrière elle. Elle se contint de se retourner mais se demanda tout de même la raison de la présence de sa sœur. "Elle doit être passée par là comme moi, par hasard", se dit-elle en son for intérieur. Tout de même, si tout le Clan arrivait, ça allait être la baston générale. Surtout que certains chats très respectueux des limites territoriales étaient partit chasser. Si ils trouvaient la lieutenant sur leur territoire, cette dernière risquait de perdre son poste.

"Tornade de Feu, si quelqu'un d'autre te voit ici, ça risque de déclencher des conflits. Pour ma part, je ne te dénoncerait pas mais… Il y en a d'autre qui le ferait avec joie."

Cela, elle n'en doutait pas une seconde. Certain profiteraient de ce faut pas pour déclencher la guerre entre le Clan du Tonnerre et celui de la Rivière. Elle sentit le vent forcir. Elle entrouvrit la gueule pour humer l'air à la recherche de guerriers du Clan de la Rivière mais ne trouva que quelques effluves datant de la journée précédente. Quoi de plus normal ?

>°°Désolé, j'avais pas d'inspi

Toute proche, la rivière grondait doucement. L'eau roulait sur les galets qui tapissaient le lit du cours d'eau. On entendait quelques poissons qui jaillissaient des remous dans des gerbes de gouttes qui semblaient autant de pierres précieuses alors que le soleil les traversait ; et les bruits d'éclaboussures qui accompagnaient la chute des petits animaux. Bruine Lointaine en saliva.

Un vent doux agitait les feuilles qui bruissaient en dansant, myriade de petits papillons verts aux tonalités changeantes. Il avait plu pendant la nuit, et des gouttes cristallines tombaient des branches, emportées tant bien que mal par la brise avant de se fondre dans la boue. Un martin-pêcheur, perché dans un arbre et caché par les feuillages, jaillit dans un froissement de plumes et de feuilles pour piquer vers la rivière. Il remonta en tenant fermement un petit poisson argenté dans son bec. La brume donnait un caractère mystique au paysage.

Les trois chats continuaient à parler, mais ils étaient trop loin, et le vent dispersait leurs miaulements. Agacée, Bruine Lointaine hésita entre se rapprocher ou rester là, transie, à attendre le bon vouloir du temps qui lui permettrait d'entendre ce qui se disait. Mais elle se rappela qu'elle était venue chasser, et décida finalement de s'éloigner. Après tout, d'après ce qu'elle avait entendu, c'étaient les affaires de Cœur de Sang et Tornade de Feu. Elle désapprouvait même l'attitude de sa sœur, qui se mêlait un peu trop, à son goût, de ce qui ne la regardait pas.

Elle s'éloigna en silence, entourée des bruits de l'eau, se promettant intérieurement d'essayer d'empêcher quiconque passerait là d'aller voir du côté des trois chats.

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