Voyageur solitaire

Souffle de Glace monta sur le trottoir, passa dans un jardin par une déchirure dans un grillage, franchit un muret en pierre et se retrouva dans la forêt. Le territoire du Clan du Tonnerre. "Tu n'as pas le droit de venir ici, aurait dit sa mère. C'est dangereux. Ce n'est pas chez toi." Mais le solitaire ne pensait pas comme elle. La forêt était à tout le monde. Personne n'avait le droit de se l'approprier. Les Clans sont stupides, se dit-il.
Les aiguilles de pins sous ses coussinets ne faisaient aucun bruit. Les buissons s'agitaient mollement dans la faible brise du matin.
Un froissement au pied d'un arbre. Il tourna la tête. Une souris. Le mâle s'ennuyait. Il s'approcha d'elle en silence et la fit sauter en l'air. Elle poussa de petits couinements plaintifs. Souffle de Glace s'amusa à la poser sur la fourrure douce de son ventre et à l'empêcher de s'échapper.
Au bout d'un moment, il la relâcha. Il n'avait pas faim, et ce jeu commençait à l'ennuyer.
Le soleil montait lentement. Désormais, sans éclairer le sol, il enveloppait d'or les branches les plus basses. Si le solitaire montait dans un arbre, il pourrait le voir s'élever doucement au dessus des tanières de Bipèdes. (je ne sais plus si sur la carte du livre, le nord est précisé vers le haut ? Bon, tant pis, c'est joli quand même.)
Un pigeon se mit à roucouler tout près de lui, ce qui le fit sursauter. Comment avait-il pu ne pas l'entendre ? C'est bruyant, un pigeon ! Pour se rassurer, il se dit qu'il était perdu dans ses pensées, voilà tout.
Tout à coup, il se sentit seul. Il avait envie de voir quelqu'un. Sa timidité naturelle l'empêcherait probablement de communiquer avec ce "quelqu'un", mais il sentait qu'une rencontre lui aurait fait du bien.

[C'est simple, le soleil se couche derrière les Hautes Pierres... Réfléchis XD]

Fleur de Lys, chassant sous un vent enfin prometteur de la Saison des Feuilles Nouvelles, détecta un petit campagnol qui grattait la terre. Elle se lécha les babines. La chatte rousse avait très faim depuis qu'elle courait dans les Grands Pins. Pour elle, c'était l'endroit le plus beau de la forêt, avec les fins rayons de soleil qui filtraient à travers les feuilles des pins, qui remuaient leurs branches couvertes d'aiguilles qui sentaient bon. Elle en oubliait presque son campagnol! Elle regarda sa proie, hésitante. Elle faisait partie des rares chats qui pensaient, même quand elle avait faim, que les proies étaient aussi des êtres vivants de la forêt à part entière. C'est pourquoi elle laissa la proie un petit moment et continua de marcher sous les aiguilles odorantes des pins. Un peu de mousse se trouvait sur le tronc d'un pin. Magnifique!! se dit Fleur de Lys. Elle alla s'allonger dessus et fit sa toilette. Elle était si calme, si tranquille et de si bonne humeur que lorsqu'elle sentit l'odeur d'un chat étranger, elle n'hérissa pas un seul de ses poils roux clair. Elle réfléchit un instant, s'étira et chercha tout de même le chat étranger. L'odeur n'appartenait à aucun des quatre Clans de la forêt. Elle ne décela aucune trace d'aggressivité dans l'odeur, et le chat qu'elle trouva était magnifique. Dès qu'elle croisa son regard, un sourire s'étira sur ses petites lèvres roses. Elle regarda avec ses yeux pétillants le chat étranger et dit simplement:

"Coucou! Comment t'appelles-tu? Moi c'est Fleur de Lys. Ca va?"

Souffle de Glace tourna la tête, les oreilles rabattues en signe de soumission. Il n'avait pas remarqué la chatte rousse qui faisait sa toilette au pied d'un pin. Il croisa son regard ; de grands yeux lumineux dans lesquels il ne croisa aucune agressivité ou peur. Juste de la curiosité. Elle lui sourit, et il redressa ses oreilles.

- Coucou ! Comment t'appelles tu ? Moi c'est Fleur de Lys. Ça va ?

Il agita les oreilles, amusé : cette chatte lui faisait penser à un apprenti récemment nommé, avec sa curiosité et son imprudence. De plus, il était sur son territoire, elle aurait dû l'en chasser.
Peut-être avait-elle compris, comme lui, que les territoires n'étaient qu'une invention futile des clans ?
Il observa la femelle avec attention. Elle était de taille moyenne, avec un pelage roux pâle lustré, strié de blanc. Une idée se fraya un chemin dans sa tête. Elle est jolie. Quelque chose pétilla dans sa poitrine. Il refoula aussitôt cette sensation. Même si la théorie des territoires et Clans était stupide, ces guerriers y croyaient dur comme fer, et n'appréciaient pas les bonnes relations entre membres de Clans différents. Même avec des Solitaires.
Il inclina le museau pour la saluer.

- Fleur de Lys est un joli nom. Je m'appelle Souffle de Glace.

Il ajouta, au cas improbable où elle n'aurait pas remarqué :

- Je ne suis pas du Clan du Tonnerre. Je suis un Solitaire.

Il s'étonna de sa facilité à parler avec elle. Elle avait réussi à vaincre sa timidité ; il espérait presque qu'ils deviennent amis. Ou plus que ça, souffla la voix dans sa tête. Non, se répondit-il à lui même, c'est impossible. Personne ne l'acceptera. Il pensa avec amertume qu'il se moquait bien que les autres acceptent ce qu'il faisait ou pas, puisque il avait pénétré sur leur territoire.
La vérité, découvrit-il, c'est qu'il ne voulait pas que Fleur de Lys pâtisse de sa cupidité.

La beauté du chat qu'elle venait de découvrir faisait battre son coeur. Son pelage lustré correspondait parfaitement à son nom, Souffle de Glace. Il paraissait penser la même chose que Fleur de Lys, c'est-à-dire que la forêt était à tout le monde. Elle le regarda un petit moment, et vit qu'il avait un peu l'air maigre. Elle se retourna, s'aplatit par terre et essaya de retrouver le campagnol qu'elle avait croisé. Elle le repéra sans mal et le tua rapidement pour abréger ses souffrances. La chatte roux clair se retourna vers Souffle de Glace et posa le campagnol devant le solitaire. Quand elle releva sa tête, son regard croisa celui de Souffle de Glace. Ses yeux étaient magnifiques, et ils exprimaient une pure amitié. Elle le regarda un long moment, fascinée par cet instant fusionnel entre Souffle de Glace et elle même. Elle lut dans les prunelles du matou la douleur causée par la solitude et l'envie de connaître plein de monde, de se faire des amis et peut être plus que des amis. Elle aussi ressentait ce besoin. Elle avait un grand besoin d'amour et d'affection, et même si elle était bien intégrée dans son Clan, personne ne lui apportait ces sentiments. Pas même Éclairs Blanc, qu'elle considérait comme son grand frère. Toujours en le regardant dans les yeux, elle lui demanda:

" Mange. Je sais que tu as faim. Et parle moi de toi. J'ai envie de te connaître mieux que ça. Ne t'inquiète pas, personne ne nous verra. "

(Tu as lu Clair de Lune ? Ils ont une drôle de cérémonie du partage...)

Apparemment, le fait qu'il n'appartenait pas à son Clan ne la dérangeait pas. Souffle de Glace sentit son cœur se réchauffer. Personne n'avait été aussi gentil avec lui depuis sa mère.
Il tendit le museau pour prendre une bouchée de campagnol, même s'il n'avait pas faim, et poussa le reste vers la femelle du Tonnerre, attendant qu'elle en mangeât.
Chaque seconde, il la trouvait plus attirante. Plus il la regardait, plus il découvrait de nouvelles facettes d'elle-même, et plus il la désirait.
Il le sentait, désormais, il ne servait à rien de se mentir. Aucune chatte n'était comme elle. Les instants qu'il vivait, avec elle, seuls, étaient les plus beaux de sa vie. Il ne pourrait se décider à la quitter.
Et pourtant, si on les découvrait en train de partager du gibier qui appartenait au clan du Tonnerre, ils risquaient plus qu'une simple remontrance.
Peut-être qu'elle serait bannie ? Il ne put s'empêcher d'éprouver du plaisir à cette pensée : ils pouraient être réunis pour toujours. Mais Fleur de Lys semblait heureuse dans son Clan, et il doutait qu'elle acceptât de partir à cause de lui.
Son cœur battait plus vite qu'il n'aurait dû. Gêné, il tenta une plaisanterie :

- Je ne suis pas maigre : ce sont des muscles.

Il réfléchit à ce qu'il pourrait lui dire. Elle voulait qu'il lui parle de lui, mais il n'avait pas grand-chose à raconter.

- Je suis un solitaire, ça résume tout, non ?

Il lui sourit timidement.

{ouais je l'ai lu... je me languis la suite!! J'était chez mon père, et lundi je pars en Normandie... Désolée!!!}

Fleur de Lys elle aussi ressentait de l'attirance envers ce matou inconnu. Elle se demandait bien pourquoi elle se sentait bien avec lui alors qu'ils se connaissaient depuis à peine quelques minutes. Un instant, elle se demanda si c'était une trahison. Une partie d'elle lui disait qu'elle avait trahi son Clan, l'autre lui disait qu'elle pouvait aimer qui elle voulait. Un sourire se dessina sur sa tête, et elle n'arrivait pas -et ne voulait pas- l'enlever. Le pelage moucheté semi-éclairé par le faible soleil donnait envie de se blottir dedans, et Fleur de Lys se demanda si le matou aussi l'appréciait. Elle le regarda, il répondit à Fleur de Lys qu'il avait des muscles et qu'il n'était pas maigre sur un ton sarcastique. En plus, j'adore son humour... conclut-elle silencieusement, le sourire s'agrandissant encore et encore. Elle qui n'avait pas de "petit copain" tombait doucement amoureuse d'un chat solitaire. Elle avait des palpitations tant elle espérait que ses sentiments étaient réciproques. Jamais elle n'avait aimé quelqu'un, et jamais quelqu'un ne l'avait aimé. Son côté pessimiste lui souffla Enfin, j'ai 26 lunes... Personne n'est tombé amoureux de moi, et j'ai espoir avec un solitaire? N'importe quoi! Enfin, l'espoir fait vivre, de toute manière. Il avait continué de parler, mais Fleur de Lys ne l'avait pas entendu. Mince alors!! Elle voulait absolument lui paraître à son écoute et intelligente, et voila qu'elle loupait une de ses répliques. Elle lui dit, au hasard:

" J'ai 26 lunes. Ma mère est morte le jour de mes 6 lunes, lors de mon baptême d'apprentie. Je n'ai jamais connu mon père. Je suis chatte unique, mais je considère Éclair Blanc - un membre de mon Clan - comme mon grand frère. On se connait depuis très jeunes, mais il n'y a pas plus que de l'amitié entre nous... "

La dernière remarque était vraie, mais elle insinuait les sentiments qu'elle éprouvait envers Souffle de Glace, se rendit comte trop tard Fleur de Lys.

Souffle de Glace acquiesça, sans réussir à s'empêcher de regarder les yeux de Fleur de Lys. Il se sentit honteux de ne pas lui avoir raconté sa vie, alors qu'elle venait de s'ouvrir à lui. Il baissa la tête, mais la releva aussitôt : il ne voulait pas quitter le regard de la jolie femelle rousse.

- Je n'ai jamais connu mon père non plus. Ma mère m'a abandonné quand j'étais assez jeune, je ne sais plus quel âge précisément. Elle disait... Il ravala un sanglot en pensant à elle. Elle disait qu'il fallait que je me débrouille, que je fasse ma vie tout seul. Que je n'avais plus besoin d'elle.

Et maintenant, je pense que j'ai trouvé ma vie, se dit-il. Un déluge de sensations résonnaient sous son crâne. Ses sentiments le poussaient à se rapprocher de la chatte, et il se retenait avec peine. Il ne savait pas comment elle réagirait. Si jamais elle le repoussait, sa vie serait bien pire qu'avant. Ce serait un deuxième départ de sa mère. Il ne le supporterait pas.

Il eut une idée, qui pourrait le rapprocher d'elle naturellement. Le soleil, n'étant plus caché par les tanières de Bipèdes, faisait une mosaïque abstraite et lumineuse sur le sol couvert d'aiguilles de pin en passant au travers des branches. La brume s'avançait vers la forêt.

- Heu... Tu... On va voir... en haut ? Pour regarder le matin...

Il ne s'y prenait pas correctement. Il bégayait trop. Gêné soudain, il prit l'initiative de planter ses griffes dans un gros pins pour atteindre les premières branches. Il regarda en bas : Fleur de Lys n'avait pas bougé.

- Tu viens ? lui lança-t-il.

Sans attendre de réponse, il sauta de branches en branches jusqu'à être au dessus des tanières de Bipèdes. Le soleil se reflétait sur les monstres brillants de toutes les couleurs qui passaient en vrombissant dans les sentiers de la ville.

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