Repas en Famille

Dans le petit coin réservé à Fleur de Lys dans la pouponnière se tenait un chaton noir qui commençait à marcher. Fleur de Lys, sa mère, était très tendue, prête à le rattraper s'il tombait. Lui, son seul survivant de sa première portée, était si fragile à ses yeux qu'il avait des soins tout particuliers. Elle ne le laissait jamais pour se rassurer. Elle voulait se persuader elle même qu'elle était une bonne mère. Elle soupira. Ses petits problèmes dans sa tête ne devaient pas être si voyants que cela, surtout devant les personnes qu'elle aimait. Vif Argent, Patte d'Encre, tout ce petit monde, sa famille... ce qu'il en restait... Elle était très attachée à eux et voulait passer sa vie entière à leurs côtés. Elle avait dû subir, très jeune, la mort de sa mère sous ses yeux de chatonne. Elle ne voulait plus jamais revivre ça. Son fils s'était arrêté et la regardait. Elle lui dit d'une voix pleine de douceur et de maternité:

" Tu as faim? Tu veux une petite souris? Je vais chercher ton père. On partagera notre repas ici, tous ensembles. "

Sur ces mots, elle sortit sa petite tête rousse du taillis de ronces et appela d'une voix teintée d'amour :

" Vif Argent! Viens manger avec ton fils dans la pouponnière. Apporte nous à manger! "

Et elle rentra dans son gîte et s'assit à côté de son fils adoré.

Vif-Argent déboula dans la pouponnière, deux souris à la gueule, et posa un regard attendri sur son fils et sa compagne. Fleur de Lys avait bien grossi depuis les quatre dernières lunes ! Il déposa la souris à côté d'elle et commença à manger la sienne. Lorsque son petit, Patte d'Encre miaula, il prit un air de conspirateur, jeta un coup d'œil à Fleur de Lys et lança un bout de sa souris à son fils, qui atterrit à quelques pas de lui sur le tapis de mousse. Tandis que le chaton noir se jetait sur son petit bout de souris avec appétit, il tenta de distraire sa compagne, la bouche pleine du délicieux gibier.

"Alors, il grandit le petit, hein !"

Il sentit une vive douleur à la queue et se leva d'un bond. Patte d'Encre roula à travers la tanière et fut arrêté par sa mère, qui lançait des regards furibonds au père pris en faute. Ce dernier se léchait douloureusement la queue, et marmonna d'un ton rancunier :

"Ah oui, pour ça, il grandit ! Un vrai monstre, avec des crocs et des griffes pleines de sang !"

Nuage Ensommeillé glissa sa tête dans la pouponnière. Le spectacle des mères et de leurs fils et filles ne le lassait jamais. Il aperçut les heureux parents et l’enfant.

"Bonjour, je ne dérange pas ? " Il aperçut le petit et dit :
"Il est vraiment très mignon. Et puis quelle famille !!! Une mère descendue tout droit du ciel, un père robuste et fort et un petit déjà si beau et fort. "

Nuage Ensommeillé avait l'habitude de faire des compliments au gens et ce spectacle le rendait encore plus gentil.
" Bon et bien je vais vous laisser manger et aller chassez un peu tiens. Il regarda l'enfant et lui dit : grandis vite, la vie d'apprenti est passionnante tu sais. Et puis tu feras un grand guerrier, c'est sûr, surtout avec des parents aussi attentifs. "

Il resta là à contempler le spectacle.

Fleur de Lys regarda l'apprenti entrer et saluer tout le monde. Elle lui sourit et lui dit :

" Tu veux manger avec nous? Il y a de la place! "

Elle adorait recevoir de la visite un peu variée, pour changer de son amoureux. Elle était isolée su reste du Clan avec son petit. Elle n'avait vu le soleil depuis la veille, ou elle était sortie faire ses besoins. Nuage Ensommeillé avait lancé un flot de compliments, ce qui la fit rougir. Elle se retourna vers le petit et essaya de le calmer.

" Pas de problème ! En plus, je meurs de faim !!!!"

Il s'installa donc après avoir été cherché une souris. Il l'entama et demanda la bouche pleine : " Et il ch'appele comment che petit chat ?"

Les histoires d'enfants l’intéressaient au plus haut point. En plus, ça lui faisait de la compagnie pour jouer. Tout "bénef" en gros. De plus, s'intéresser au camp était une très bonne chose. Il continua sa souris en se demandant comment était sa mère car comme tout bon chaton domestique, il a été séparé de sa mère très tôt pour éviter les grands moments de solitude. Parfois, il regrettait sa mère mais il supposait qu'il y avait une bonne raison de l'avoir séparé d'elle.

" Elle a de la chance d'avoir des parents comme vous ... Moi, j'ai pas connu mes parents, j'avoue que j'aimerais bien mais le passé est le passé comme on dit. Puis, il s'adressa au chaton : Fais pas comme moi toi, ok ?, profite un maximum de tes parents, c'est dur sans eux tu sais ..." Malgré ses paroles pleines d'émotion, il continuait d'être joyeux et ne montrait aucun signe de tristesse.

Vif-Argent regarda l'apprenti avec suspicion. Il n'avait pas l'air méchant, mais un peu tête en l'air quand même. Était-il digne de manger avec son fils ? Allait-il l'embêter ? Non... il n'avait pas l'air du genre à faire ça. Il jeta un coup d'œil à sa compagne quand elle acquiesça, une étrange lueur de joie dans les yeux. Tiens, elle aimait plus les apprentis que lui maintenant ! Il devenait jaloux et suspicieux. Il fallait qu'il arrête ! Comment son fils pourrait-il vivre normalement avec un papa-poule comme lui ! Il se força à respirer lentement et à prendre un air joyeux. Il se surprit même à ronronner aux compliments de Nuage Ensommeillé. Finalement, il savait reconnaitre les grands guerriers celui-là ! Il ferait un excellent ami pour son fils.
Mais il se dit que Patte d'Encre devait dorénavant dormir, et il sortit en donnant un coup de queue amical à l'apprenti :

"Viens, Patte d'Encre va dormir maintenant, il faut les laisser !"

" Pas de problème, je sais ce que c'est que de devoir dormir. Au revoir Fleur de Lys. Au revoir boule de poil (dont il ne connaissait toujours pas le nom)."

Une fois sorti, il demanda à Vif-argent : " Dis-moi, Vif-Argent, comment tu es devenu un grand guerrier comme ca ?"

Nuage Ensommeillé sentait que Vif-argent aimait les compliments et il avait la fâcheuse manie de vouloir connaitre le passé de tout le monde pour le comparer au sien.

"Est-ce-que petit, tu étais déjà si grand et fort comme ton fils ou chétif et peureux ? Moi, je parie que tu étais fort car on ne devient pas robuste comme toi du jour au lendemain. Parce que moi, je ne suis pas très fort et j'aimerais m'améliorer donc j'aimerais bien quelques conseils."

Nuage Ensommeillé lui faisait beaucoup de compliments c'est vrai mais c'était dans son éducation de chat domestique d'être poli.

Vif-Argent ronronna à la question de Nuage Ensommeillé. Sa phrase précédente alluma une idée dans son esprit.

"Tu sais, il s'appelle Patte d'Encre et non "boule de poil"... enfin, tu ne pouvais pas savoir... Moi, pour répondre à ta question, j'étais le plus nul et le plus faible des chatons. J'ai beaucoup travaillé, très dur, je m'entrainais la nuit, je dormais très peu... et c'est comme ça que je suis devenu aussi fort. Et que j'ai séduit Fleur de Lys..."

Il coula un regard attendri vers la pouponnière. Certes, il fanfaronnait un peu, beaucoup même, mais c'est vrai qu'il n'était pas très doué quand il était apprenti... et il savait qu'il n'était pas un guerrier exemplaire, contrairement à ce que disait Nuage Ensommeillé. Mais il aimait bien se moquer des autres et se grandir à leurs yeux, et cet apprenti avait l'air très naïf et paresseux...

"Mais tu sais, tu vas finir par prendre le coup... ce n’est pas si dur quand on y pense !"

Il ne voulait pas décourager l'apprenti dès ses débuts, et il tentait de le rassurer. Il lui donna un coup de langue sur la tête et s'en alla d'un pas joyeux.

" Je vais pas me décourager comme ca !!! Et puis de toute façon, je chope la technique au fur et à mesure ! Je ne suis pas un chaton comme n'importe qui ! Je suis Nuage Ensommeillé !"

Contrairement à ce que pensait Vif-Argent, Nuage Ensommeillé n'était pas naïf mais plutôt endormi et même si on lui mentait, à cause de son état, il s'en apercevrait mais ne dirait rien. Car en effet, il savait que Vif-argent n'était pas THE guerrier car sinon, il serait le centre d'intérêt de toutes les conversations. Mais pour Fleur de Lys, il n'avait pas tort, elle était dingue de lui. Il se dit que ça lui arriverait un jour mais il n'était pas pressé car il ne cherchait pas l'amour et c'était mieux comme ça d’ailleurs.

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